TOUT EST DIT

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jeudi 27 janvier 2011

Faut-il encourager les pauses...cigarettes?

La loi sur l'interdiction de fumer dans les entreprises n'a pas seulement purifié l'atmosphère des bureaux: elle a aussi modifié les relations entre les salariés. Au détriment des non-fumeurs. 

C'est un peu l'histoire de l'arroseur arrosé. Les non-fumeurs avaient applaudi la loi qui interdit la cigarette dans les entreprises. Ils en subissent aujourd'hui d'inattendus dommages collatéraux. Cette mesure, prise à l'origine pour les protéger du tabagisme passif a certes purifié l'air, mais elle a également modifié les relations de travail. Au détriment des non-fumeurs.  
Premier effet de la loi: les pauses cigarettes, de plus en plus longues, créent des disparités dans le temps de travail. Une étude de l'institut CSA Santé, publiée en 2009, indique ainsi qu'une personne habituée à fumer un paquet par jour prend huit pauses quotidiennes, contre une seule pour les non fumeurs. Bref, ces derniers ont l'impression de trimer davantage que leurs collègues. "Je suis une ancienne fumeuse et je comprends très bien qu'un fumeur s'absente deux ou trois fois dans l'après-midi pour aller s'en griller une, raconte Laurence, cadre dans une entreprise automobile. Mais cela passe bien moins chez les non-fumeurs, qui ont l'impression d'avoir moins le droit de faire une pause. Je descends de temps en temps avec mes collègues prendre l'air, mais ça ne me viendrait pas à l'idée de m'arrêter trois fois dans l'après-midi."  
Le sentiment d'illégitimité
Et elle n'est pas la seule dans ce cas-là: de plus en plus de non-fumeurs ne se sentent pas légitimes à faire de pauses. "Au moment où la loi est sortie, elle représentait une forte contrainte pour les fumeurs, explique Dominique Steiler, professeur de management à l'ESC Grenoble. L'allongement de la pause a donc été conçu comme une sorte d'allègement de peine. Les non-fumeurs de leur côté ont l'impression de ne pas y avoir le droit car ils ont inconsciemment intégré l'idée qu'avec la loi anti-tabac, ils ont obtenu ce qu'ils souhaitaient." 


"Si je n'étais pas fumeur, j'aurais parfois l'impression d'être en dehors du coup"

De quoi engendrer des conflits larvés qui trouvent aussi leur source dans les nouvelles solidarités que la pause clope a créées. Elles sont souvent l'occasion de discussions détendues sur le travail, voire d'organiser des brain storming impromptus desquels sont, de fait, exclus les non fumeurs. "C'est vrai que lorsqu'on fait une pause, on descend à plusieurs et on parle souvent des projets sur lesquelles on travaille, reconnaît Julien, cadre dans une banque. Cela ressemble parfois à des réunions informelles. Il arrive même qu'on discute des problèmes au sein des services". Et d'ajouter: "Si je n'étais pas fumeur, j'aurais parfois l'impression d'être en dehors du coup". Julia, qui vient d'intégrer un cabinet d'audit, connaît ce sentiment. Son supérieur hiérarchique est un "gros fumeur" qui embarque avec lui, chaque fois qu'il prend une pause, les autres fumeurs de l'équipe. "Inévitablement, il est plus proche d'eux, regrette-t-elle, même si ce n'est pas intentionnel."  
"Fumer, un acte social"
L'interdiction de la cigarette dans les lieux publics a été envisagée en prenant en compte le seul point de vue médical. Les ressources humaines ont sous-estimé l'impact que la mesure pouvait avoir sur les relations entre les salariés. "Fumer, c'est un acte très social, analyse Juan Falomir, professeur de psychologie sociale à l'université de Genève, et auteur de Société contre fumeurs. A force d'être stigmatisés, d'être vus comme des gens malades ou dépendants, les fumeurs ont recréé des liens de solidarité qui, par nature, excluent ceux qui ne font pas partie de leur groupe." 
Pourtant, selon Dominique Steiler, c'est aux ressources humaines que revient la tâche de limiter les effets du clivage induit par la cigarette: "Les managers doivent encourager leurs salariés à faire régulièrement des pauses tous ensemble car c'est un moment indispensable dans le bon fonctionnement d'une entreprise, assure le professeur en management. Quel que soit son objectif -un déjeuner, un café ou une cigarette- elle permet d'aborder des sujets qui ont été passé sous silence en réunion, de connaître des salariés d'autres services et renforcer les relations dans l'équipe ». Dans certaines entreprises, une pause commune est même comprise dans l'emploi du temps des salariés. "Il faut garder à l'esprit que plus une équipe se connaît, plus elle est performante et plus la régulation du stress sera facile."  


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