TOUT EST DIT

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jeudi 27 janvier 2011

Conflits d'intérêts : la France ouvre les yeux
 
Individus et organisations sont animés par des idéaux (parfois) et par des intérêts (souvent). Ces intérêts multiples et contradictoires peuvent nous mettre dans des situations conflictuelles : il faut alors sacrifier un intérêt au profit de l'autre. Le conflit d'intérêts est dans la nature des choses. Ce qui ne l'est pas, c'est de le nier, de le cacher et de profiter de ce voile d'ignorance pour en tirer un profit personnel ou familial. Par exemple, un administrateur de société qui profite de sa connaissance de l'entreprise, pour spéculer à son avantage, est dans une classique situation de conflit d'intérêts.

Cette notion d'origine anglo-saxonne a bien du mal à faire son chemin en France où l'on privilégie plutôt la confusion des genres. Le cumul des mandats, le cumul de multiples fonctions, le pantouflage des hauts fonctionnaires, la confusion du pouvoir d'expert « indépendant » avec des rémunérations privées d'entreprises soumises à l'opinion de l'expert... Ce sont quelques exemples de l'indifférence avec laquelle la culture française a traité ces questions qui touchent à l'intégrité, à l'indépendance, à la confiance dans les institutions publiques et privées.

Autre caractéristique française : l'incapacité, en cas de conflits d'intérêts particulièrement aigus, à penser la question en termes globaux. Chaque scandale a donné lieu à une solution adaptée (par exemple, l'instauration de nouvelles incompatibilités parlementaires pour répondre à un problème ponctuel), mais jamais à une réflexion d'ensemble. Il a fallu l'accumulation de scandales liés à l'affaire Bettencourt-Woerth pour que le pouvoir se décide à allumer des contre-feux. L'affaire du Mediator a ensuite porté un peu plus d'eau au moulin, en faisant apparaître de possibles collusions entre les organismes de contrôle publics et une entreprise pharmaceutique privée.

Une commission, composée des présidents de la Cour des comptes et de la Cour de cassation et présidée par le vice-président du Conseil d'État, a été chargée de faire des propositions afin d'éviter que les politiques et les hauts fonctionnaires nationaux et locaux ne tombent dans des conflits d'intérêts préjudiciables à l'intérêt public. Pour la première fois, une analyse d'ensemble est offerte ; pour la première fois, des solutions sont suggérées, qui couvrent toutes les hypothèses de conflits d'intérêts majeurs, en se préoccupant non seulement des règles à établir mais aussi de leur applicabilité. Le rapport est à la fois ambitieux par le champ qu'il couvre, et réaliste dans les moyens et instruments proposés.

Il reste à souhaiter que le législateur qui, de son côté, a constitué deux groupes de travail, tire toutes les leçons de cette analyse rigoureuse et dépassionnée à la fois. La classe politique a tout à gagner de cette opération de transparence et de retour à l'éthique dans la vie publique. Ce sera le meilleur moyen de rétablir le lien de confiance entre décideurs publics et citoyens. Car les dérapages, même s'ils ne concernent qu'un nombre limité de personnes, jettent l'opprobre sur tous et contribuent au populisme ambiant. Restera à garantir non seulement l'application des nouvelles dispositions législatives, si elles voient le jour, mais plus important encore, à faire prévaloir « l'esprit des lois ».

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