TOUT EST DIT

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vendredi 4 février 2011

Crever les yeux du monde...

Ce n’est évidemment pas un réflexe corporatiste, non. Un sentiment physique qui inspire l’impression de danger et la révolte. Il est toujours profondément perturbant, et angoissant, de voir pourchasser des journalistes qui veulent simplement faire leur métier : être les témoins de l’actualité en mouvement. Tout lyrisme mis à part, intimider la presse internationale comme l’ont fait les nervis du régime Moubarak, c’est essayer de crever les yeux du monde. C’est imaginer que l’absence d’images pourra changer le réel. C’est se laisser aller à croire que la télévision fait l’histoire. C’est évidemment une erreur simpliste et une conviction archaïque.

Il semble clair, ce matin, que le pouvoir égyptien a téléguidé d’une façon ou d’une autre les contre-manifestations qui ont déstabilisé le grand mouvement démocratique. En couvrant les violences perpétrées par ces hordes d’agresseurs, il a aussi perdu définitivement tout crédit, au risque de ternir le prestige de l’armée qui a laissé faire, étrangement passive, au mépris de ses responsabilités les plus élémentaires.

L’objectif ne fait guère de doute lui non plus : il s’agit bien de laminer les manifestants pour qu’ils abordent cette grande journée de vendredi avec la peur au ventre. La conscience du risque encouru. Tactiquement bien joué, mais moralement désolant. Grossier, le procédé a des chances de parvenir à son but à moins qu’il n’ait, au contraire, un pouvoir multiplicateur sur la mobilisation d’aujourd’hui.

Le président Moubarak joue lui-même sur tous les tableaux simultanément. D’une main, un discours vaguement conciliateur sur le thème éculé de « moi ou le chaos ». De l’autre, une répression féroce contre tous ces « combattants de la liberté » qui, jusque-là s’étaient battus à mains nues. Et pacifiquement.

Le régime n’a pas hésité à puiser dans le registre de la provocation pour mettre le feu aux poudres, afin d’apparaître ensuite comme un sauveur, celui qui assure la paix et le calme.

Ce vendredi sera un nouveau grand test. Peut-être le test final. Celui du courage, pour se débarrasser d’un régime qui opprime et corrompt. Cela est loin d’être gagné. En posant un ultimatum daté, Mohammed ElBaradei n’a pas forcément rendu service à son camp. Le pouvoir s’est crispé un peu plus, basculant dans une répression aveugle au service, dit-il, d’un retour à la normale.

Cela ressemble, toutes proportions gardées et même si les situations ne sont absolument pas comparables, aux heures qui ont précédé l’assaut de la place Tien An Men en 1989, quand le regard des étrangers avait été détourné de force du grand nettoyage qui allait commencer à l’abri du regard des objectifs. C’était il y a presque 22 ans, un autre siècle, un autre continent, une autre situation géopolitique. Mais les réflexes de tous les régimes autoritaires du monde ont en commun d’être aveugles.

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