TOUT EST DIT

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lundi 22 novembre 2010

Un pas papal sans bulle

Benoît XVI est un habitué des petites phrases qui font tilt. Celle qu’il glisse dans son livre d’entretiens sur l’utilisation du préservatif « dans certains cas » est retentissante. C’est aussi la première, depuis son élection en 2005, qui choquera les fondamentalistes et non la frange de l’Église ouverte sur le monde. Jusqu’à présent, le pape avait toujours heurté de front les progressistes, en réhabilitant des évêques intégristes, voire négationnistes, en fustigeant l’Islam ou, à l’inverse de ce qu’il prône désormais, en affirmant que l’utilisation du préservatif aggravait l’épidémie de sida. Le changement de ton n’est pas anodin, même si le petit pas effectué est hésitant.


Pas d’homélie, pas de bulle : à Rome, on refuse – explicitement – de parler de « tournant révolutionnaire ». Rien, dans les propos du pape, ne permet d’ailleurs d’entrevoir un assouplissement de la morale officielle de l’Église, ce qui oblige le Vatican à un grand écart inconfortable : le préservatif n’est pas admis en tant que moyen de contraception, mais seulement pour protéger la vie de l’autre. C’est spécieux, comme pourrait dire un exégète… jésuite.


En résumé, l’ouverture papale consiste à entrebâiller une petite lucarne sur le monde plutôt que d’écarter en grand les portes du Vatican. C’est un geste contraint : Benoit XVI a pu constater, lors de ses voyages, que les positions les plus fermées ne sont pas tenables. En Afrique australe, où le sida fait des ravages, ses propos anti-préservatif avaient choqué jusqu’aux plus fervents chrétiens ; en Grande-Bretagne, les progressistes ont mobilisé des milliers de personnes pour exiger l’assouplissement de la doctrine vaticane, et même dans le fief catholique espagnol, il a été pris à partie. De toute façon, la grande majorité des Européens, même croyants, ne tient plus aucun compte, depuis belle lurette, des consignes religieuses prétendant régenter la vie privée.


Il était temps de donner un peu d’air à l’Église et de redorer le blason d’un pape qui a du mal à rassembler. L’exercice, même très prudent, est cependant risqué : il suffit parfois d’ouvrir un tout petit peu une fenêtre pour qu’un coup de vent vous l’envoie dans la figure. Pour les traditionnalistes purs et durs, le pape en a déjà trop fait, alors que pour les progressistes, il est urgent d’aérer en grand la doctrine de l’Église. Entre les deux, Benoît XVI se prépare des arbitrages délicats.

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