Mais qu'est-ce qui a poussé Charles Millon, ancien ministre de la Défense de Jacques Chirac et acteur de premier rang de ce dossier des rétrocommissions, à balancer une grenade dégoupillée dans les allées du pouvoir en place ? En attendant une improbable réponse, le lien direct entre les financements occultes et l'attentat de Karachi s'éclaire d'une lumière encore plus crue. On entend d'ici Édouard Balladur pousser des cris d'orfraie et renvoyer ces sordides questions d'argent aux mécanos de sa campagne électorale. Et l'on se souvient aussi que Nicolas Sarkozy, son trésorier d'alors, s'en est tiré en criant à la fable inventée de toutes pièces. La nuance c'est que toujours dans une fable il y a une morale. Celle-ci pourrait bien se finir par un scandale.
Un scandale d'État, sur fond de rivalités et de règlements de comptes au RPR, que l'omerta véreuse des marchands d'armes et des bénéficiaires de leurs pots de vin aura désormais bien du mal à étouffer. Tout est à peu près connu de cette affaire que onze Français ont payé de leur vie à Karachi, dans un attentat par rétorsion de la décision de la France de couper le robinet des commissions. Le lien est établi formellement. Les traces de la corruption légalisée et de l'existence de sociétés opaques pour faire transiter les rétrocommissions vers les caisses noires de la campagne sont dans le dossier des juges.
En faisant exploser le fragile parapluie des immunités et des validations un peu hâtives des comptes de campagne, Charles Millon se fait accusateur et vient en appui de la rébellion des familles de victimes qui cherchent à briser l'épais carcan de la raison d'État.
Louis XIV est mort, ceux qui font la loi ne peuvent se placer au-dessus d'elle. Pourtant la presque indifférence des Français capables de passer en quelques jours de l'affaire Bettencourt à celle des sous-marins de Karachi sans presque sourciller, est un sujet d'étonnement permanent. Tout juste si nous ne contentons pas de plaisanter sur l'effet « sparadrap du capitaine Haddock » des rebondissements de cette enquête, quand nous devrions nous demander si la guerre dans le clan Chirac-Balladur valait vraiment onze morts ?
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