TOUT EST DIT

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lundi 2 novembre 2009

Les mimosas du Président

"A force d’écrire des choses horribles, elles finissent par arriver", marmonnait Michel Simon, amateur de mimosas et auteur de polars dans un film sublime d’avant la guerre, Drôle de drame, signé Carné-Prévert. Nous y sommes toujours, dans un bijou de comique politique. A peine a-t-il vanté les vertus de la terre et de l’identité, Nicolas Sarkozy se fait rattraper par la droite terroir, qui ment rarement quand elle est en colère.

La révolte de Raffarin et de ses Jacques du Sénat est autrement plus sérieuse que l’épisode identitaire; on ne parle pas ici de terre symbolico-médiatique, utilisée dans un coup trop facile pour être sérieux (agiter la muleta tricolore pour pousser la gauche à la faute antipatriotique), mais des vraies villes et vrais villages de la vraie France, qui ont vraiment besoin de la vraie taxe professionnelle pour vivre, et ne se retrouvent pas dans cette réforme, trop vite bouclée, parce que le Président la voulait… Il voulait, le Président, et il n’aura pas, privé soudain de majorité?

Est-ce vexant d’être bloqué par Raffarin! Là encore, on peut se faire son cinoche, plus chez Prévert mais chez Audiard: le cave se rebiffe, qui n’en était pas un, sacré "Raff", trop vite négligé par un pouvoir qui ne connaissait que la vitesse, et Raffarin était si lent… Il y a de la revanche dans l’air, de la justice immanente, de la logique. Nicolas Sarkozy, devenu président pour faire valdinguer la vieille France, la retrouve face à lui; le Sénat devient haut lieu de la résistance contre ses accélérations. Les uns fustigeront l’alliance de réacs provinciaux et d’une gauche cynique contre un Président qui veut faire bouger les choses, et supprimer une taxe létale pour l’emploi; les autres salueront la vertu des sénateurs, qui seuls savent dire "non" au pouvoir, quand celui-ci s’oublie ou oublie les formes ou les usages.

Pas un hasard si un autre notable, Jean Arthuis, centriste de Mayenne et président de la commission des Finances du Sénat, joue les snipers de la droite, critiquant la promotion d’Henri Proglio, qui présidera EDF tout en conservant Veolia (une décision de Nicolas Sarkozy), dénonçant comme "inefficace et anxiogène" la multiplication des réformes annoncées (le style de Nicolas Sarkozy), et réclamant l’abrogation du bouclier fiscal (un fondamental de Nicolas Sarkozy). Arthuis, Raffarin… Voilà donc les opposants: pas la gauche, pas l’ambitieux Copé! Des grains de sable institutionnels, que nul n’attendait. Ce qui intrigue et fascine, chez Arthuis comme chez Raffarin, c’est le côté impavide de leur révolte, la conviction tranquille qu’ils ne risquent rien sinon de vaincre. Un jour, le bouclier fiscal tombera, assure Arthuis, quand Raffarin prétend remettre la réforme à l’endroit, donc à plus tard, évidemment…

Que tout cela arrive au moment où la justice convoque la fin du chiraquisme n’est qu’un hasard, mais tellement savoureux. On ne parle pas ici du fond de l’affaire mais de politique. Les emplois dits fictifs témoignaient d’un pouvoir chiraquien qui ne dérangeait personne, puisque nourrissant tout le monde… Pour Sarkozy, Chirac était l’anti-modèle, le président qui avait renoncé à changer la France, empêtré dans trop de compromis, trop de systèmes; lui, jurait-il, ne renoncerait jamais, ne s’autoriserait aucun répit, aucun compromis. A l’arrivée, le résultat est le même. Qu’importe la volonté si Raffarin a la clé du changement? Sarkozy est en panne, contraint par des résistances qu’il avait négligées, quand Chirac, sans doute, les anticipait trop.

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