Après le dossier Clearstream, l'affaire Karachi a relancé l'affrontement entre Nicolas Sarkozy et Dominique de Villepin, mais plusieurs membres du gouvernement ont appelé dimanche à la retenue.
L'enjeu est de taille - deux présidents et deux ex-Premiers ministres sont cités - alors que s'insinue le soupçon que 11 Français sont morts lors d'un attentat à Karachi en mai 2002 en raison d'une corruption qui aurait mal tourné.
Dominique de Villepin, qui avait ravivé les attaques contre l'Elysée, s'est efforcé dimanche de calmer le jeu, soulignant qu'il n'y avait pas "de preuve formelle de rétrocommissions" mais seulement des "indices et des soupçons".
Il s'est également réjoui sur TV5 et RFI que le chef de l'Etat ait "marqué sa volonté de transparence" en promettant samedi à Lisbonne de transmettre à la justice française tous les documents nécessaires à l'enquête sur l'attentat.
Pour Magali Drouet, fille d'un salarié de la Direction des constructions navales (DCN) décédé lors de l'attentat, l'engagement de Nicolas Sarkozy "sonne comme un aveu".
Le porte-parole du PS Benoît Hamon a lui aussi estimé que l'annonce de Nicolas Sarkozy revenait à "reconnaître" qu'un "certain nombre de documents n'avaient pas été déclassifiés".
Le ministre de la Défense, Alain Juppé, a cependant jugé cette interprétation erronée.
"Ça ne veut pas dire qu'on a caché quoi que ce soit. Ca veut simplement dire que si les juges d'instruction souhaitent disposer de documents supplémentaires (...) ces documents seront déclassifiés", a-t-il assuré sur Canal +.
Après le député PS Bernard Cazeneuve, Jérôme Cahuzac, président socialiste de la commission des Finances, a réclamé la relance de l'enquête parlementaire sur Karachi.
"COMMENTAIRES POLITICIENS"
La piste d'une vengeance après l'arrêt du versement de commissions a pris de l'ampleur dans l'enquête sur l'attentat suicide qui fit en 2002 15 morts, dont onze Français de la DCN travaillant à la construction de sous-marins vendus par Paris.
Plusieurs témoins-clés, dont l'ancien ministre de la Défense Charles Millon et Dominique de Villepin, secrétaire général de l'Elysée sous Jacques Chirac, ont confirmé que, tout juste élu en 1995, le chef de l'Etat avait demandé de mettre fin aux contrats pouvant donner lieu à des rétro-commissions, dont celui des ventes de sous-marins.
La justice s'interroge sur un possible financement illégal par ces sommes d'argent de la campagne présidentielle d'Edouard Balladur en 1995, dont Nicolas Sarkozy était le porte-parole.
Alain Juppé a insisté sur le fait qu'on en était pour le moment "au stade des rumeurs et des allégations." "Est-ce qu'il y a un lien entre l'attentat de Karachi et l'interruption des commissions ? On n'en sait rien", a-t-il dit.
Il a affirmé ne pas avoir entendu parler lui-même de "rétrocommissions" quand il était Premier ministre.
Dominique de Villepin avait lancé la charge vendredi soir en confirmant l'existence de "très forts soupçons de rétrocommissions illégales".
De Lisbonne, en marge du sommet de l'Otan, Nicolas Sarkozy a aussitôt contre-attaqué, dénonçant une "polémique qui n'a pas lieu d'être".
"La justice est saisie, qu'elle fasse son travail et qu'on n'essaye pas de coller dessus des commentaires politiciens qui ne sont vraiment pas à la hauteur de la douleur des familles qui ont perdu leurs proches", a-t-il dit.
Le président du Conseil constitutionnel, Jean-Louis Debré, a refusé de transmettre au juge Renaud Van Ruymbeke les délibérations sur les comptes de la campagne présidentielle d'Edouard Balladur en 1995, ces dernières étant couvertes par le secret pendant 25 ans.
Un moment visé par les familles de victimes de l'attentat, Dominique de Villepin a demandé à être entendu comme témoin par le juge Van Ruymbeke le plus vite possible.
En conséquence, les familles ont décidé de surseoir à la plainte envisagée contre l'ex-Premier ministre pour "mise en danger d'autrui" dans l'attente d'éventuelles précisions de sa part.
Dimanche soir, Dominique de Villepin a estimé qu'il n'y avait "aucun lien" entre l'attentat et l'arrêt du versement des commissions décidé par Jacques Chirac.
"A ma connaissance, il n'y a aucun lien. Nous sommes dans un cas en 1995, nous sommes dans l'autre cas en 2002, ce n'est pas le même gouvernement pakistanais, ce ne sont pas les mêmes circonstances au Pakistan", a-t-il dit.
Dominique de Villepin a souligné que l'arrêt des commissions ne visait pas des Pakistanais, mais des intermédiaires d'autres pays. Un Libanais apparaît dans l'enquête judiciaire.
lundi 22 novembre 2010
L'affaire Karachi s'emballe, appels à la retenue
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