C'est la rançon des civilisations les plus évoluées. La revanche d'un hasard vaincu par la nécessité. Quand l'obstacle scientifique est dépassé, se dresse l'obstacle moral, et il est incontournable. Des manipulations de la génétique pour la procréation aux recherches sur l'embryon, la maîtrise de la vie implique, à un moment ou un autre, des choix douloureux parce qu'ils ne peuvent pas être gagnant-gagnant.
Il est vraiment dommage que la révision des lois de bioéthique proposée par le gouvernement vienne sur le devant de l'actualité au moment où les esprits sont ailleurs. Loin d'être de simples actualisations, elle engage la société dans une réflexion essentielle. Si les mesures présentées par Roselyne Bachelot sont aussi clivantes, c'est parce qu'elles bousculent des interrogations universelles qui ne peuvent trouver de réponse unique, ni même suggérer un bon et un mauvais chemin.
Ici, il n'est question, ni de bien ni de mal. Ni de droite, ni de gauche. Ni de conservatisme, ni de libéralisme libertaire. Ni d'options politiques confinées dans des idéologies. Au delà des réserves, parfois radicales, des milieux catholiques les plus traditionnels - ils plaident notamment pour le respect absolu de l'embryon humain - nous avons presque dépassé les obscurantismes qui soumettaient le progrès à des représentations monolithiques. La confrontation du doute et de l'audace donne au débat toute sa profondeur. Et toute sa résonance intellectuelle. Saura-t-on prendre le temps de l'écouter, et de s'abandonner un peu aux vertiges de ses contradictions, dans un temps qui livre parfois son âme à la transparence et à l'efficacité ?
C'est bien la question des limites qui est posée. Existent-elles vraiment ? Nos esprits cartésiens doivent bien se résigner à ne pas trouver d'échappatoire satisfaisant dans les méandres de l'identité cachée ou révélée. Et aucune loi ne résoudra jamais le mystère multiforme du contrôle des cellules et de leur appartenance...
Reste l'organisation de la générosité, qui échappe aux règles rationnelles. Le don ne se calcule pas mais il faut bien qu'il soit encadré. Sur ce terrain-là, la science est impuissante. Seule la confiance en elle-même d'une société peut allumer cette petite lumière fragile et incertaine qui éclaire le cheminement hésitant de notre humanité.
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