Étonnamment, le premier pays à entreprendre ces réformes fut l’Allemagne. Grâce à un environnement favorable aux entreprises exportatrices et surtout à une discipline salariale, l’Allemagne a commencé à afficher une balance des paiements fortement excédentaire. Cette tendance a pris aujourd’hui une ampleur dramatique et permet de soutenir la croissance économique allemande et le taux de chômage le plus faible d’Europe.
L’histoire est bien différente dans les autres pays de la zone euro. Les PIIGS (Portugal, Italie, Irlande, Grèce et Espagne) ont grandement bénéficié de l’euro grâce non seulement au retrait des barrières commerciales liées à la monnaie mais aussi parce que leurs taux d’intérêt ont chuté à des niveaux impensables à l’époque d’avant l’euro.
En outre, et parce que ces pays n’avaient plus de contraintes de compte courant, ils ont pu dépenser au delà de leurs moyens sans aucun dommage immédiat apparent pour leurs économies. Ce coup de fouet artificiel donné à leur croissance économique ne les a pas encouragé à accélérer la mise en place de réformes impopulaires dans l’esprit de l’agenda du Lisbonne de l’Union Européenne.
Puis vint la crise globale. Pendant cette période (2007-2009), l’utilité de l’euro et la résilience de la zone euro furent bienvenues partout dans le monde. Les problèmes ne sont apparus qu’au moment de la sortie de la crise.
L’ampleur des dettes publiques, qui ont gonflés pendant la crise dans de nombreux pays et les écarts grandissants de compétitivité entre les états membres ont commencé à inquiéter les marchés. Certains investisseurs, dubitatifs quant à la viabilité de la dette de certains pays, ont commencé à s’inquiéter de la viabilité de l’euro lui-même.
Les réactions face à cette situation délicate ne se sont pas faites attendre. Une rapide et impressionnante mobilisation des ressources s’est produite au niveau Européen. Et le président de l’Union Européenne, Herman van Rompuy, travaille à l’établissement d’un cadre pour une meilleure surveillance, prévention et résolution en matière budgétaire. Comme l’avait fait remarquer l’un des pères fondateurs de l’intégration européenne, Jean Monnet, dans ses mémoires il y a 35 ans, « la construction européenne progresse pendant les crises, et elle sera constituée de la somme des solutions apportées pour les surmonter. »
Personne ne peut nier que des réformes structurelles sont en marche dans tous les pays de la zone euro frappés par la crise. La réforme est soudain devenue une impérieuse obligation, si ce n’est – compte tenu des pressions des marchés financiers – une question de survie.
Prenons l’exemple de la Grèce, le pays de la zone euro traversant les complications les plus délicates. Les réformes de son marché du travail, de son système de pensions et celles en cours ou prévues dans de nombreux secteurs et professions – tous générateurs d’énormes réserves pour une croissance renforcée, et donc, de l’espoir – reflètent un profond changement dans la perception de l’opinion publique des besoins du pays à long terme. Malgré le malaise social endémique, une grande majorité des Grecs admet en effet le besoin de changement et ne s’y oppose pas.
Les eurosceptiques diront que ce n’est pas l’euro mais bien la crise elle-même qui est le catalyseur des réformes. A l’évidence, l’euro seul n’a pas été l’unique déclencheur. Mais, compte tenu de l’expérience européenne passée, il y a de sérieuses raisons pour douter que, en l’absence de l’euro, la crise seule aurait donné l’impulsion nécessaire.
Avant l’euro, un pays confronté à une crise des finances publiques aurait été entrainé dans suite d’événements prévisibles et sans espoir : dévaluation de la monnaie, suivie d’une inflation qui aurait allégé le poids de la dette publique. Il n’aura pas fallu longtemps pour que les affaires reprennent leur cours habituel, comme d’habitude, sans réelle réforme structurelle. Combien de crises grecques auront finalement ouvert la voie à la crise à laquelle la Grèce fait face aujourd’hui ?
La dévaluation concurrentielle, appelée de leurs voux par les sceptiques, doit être cette fois-ci évitée. Les membres de la zone euro confrontés à une perte de compétitivité ne peuvent plus se permettre de reculer sur les réformes difficiles mais nécessaires par une « bidouille » monétaire qui ne fait que déplacer le fardeau sur les épaules de leurs partenaires commerciaux : comme toujours, les politiques protectionnistes récompensent le laxisme et pénalisent la vertu.
Pour ce qui est des réformes structurelles en cours ou prévues, la question la plus importante n’est pas tant de savoir si c’est l’euro, la crise ou une combinaison des deux qui les a provoqué, mais si elles vont fonctionner. Il est évident qu’un échec impliquerait des coûts politiques que les dirigeants tenteront d’éviter à tout prix. Ils ont déjà démontré une remarquable détermination, avec des raisons d’être optimiste sur le fait que cette fois-ci, en effet, les choses seront effectivement différentes.
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