TOUT EST DIT

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jeudi 3 mars 2011

Urgence au Maghreb

La politique, c'est d'abord s'occuper des hommes. Et même si les politiques l'oublient parfois, les hommes le leur rappellent. En occupant les places de Tunis ou du Caire, la jeunesse arabe a fait tomber les dictateurs. En fuyant sur les routes libyennes pour échapper à la folie irréductible de Kadhafi, les réfugiés qui se massent à la frontière tunisienne lancent un appel de détresse. Il s'adresse au monde, et à l'Europe en particulier.

Car si depuis sept semaines, l'Union Européenne (et chacun de ses membres) a été une spectatrice passive des révoltes arabes, l'urgence humanitaire la contraint à sortir de sa torpeur. En dix jours, environ 75 000 personnes ont fui la Libye vers la Tunisie, 55 000 vers l'Égypte. La plupart sont Égyptiens, mais il y aussi de nombreuses autres nationalités, notamment des migrants d'Afrique subsaharienne qui travaillaient illégalement en Libye.

Le chaos libyen a déclenché un exode massif. Ni la Tunisie ni l'Égypte ne sont, naturellement, en mesure d'y faire face. On a pu entendre, ici ou là, des responsables politiques italiens ou français mettre en avant, comme premier argument, le risque d'un exode biblique sur les côtes européennes. C'est, une nouvelle fois, mettre la peur en avant. Et, ce faisant, rater un choix plus politique des priorités.

Car la première urgence est humanitaire. Dix mille réfugiés arrivent, chaque jour, à la frontière tunisienne. Les autorités de Tunis ont d'autant plus besoin d'une aide internationale pour y faire face, que la démission du Premier ministre laisse craindre un très dangereux vide de pouvoir dans cette si délicate période de transition.

L'aide humanitaire est aussi une façon, très concrète, de prêter main forte aux démocrates tunisiens. Le scénario libyen montre clairement que l'effet dominos n'est pas écrit d'avance. Que certains pays (Tunisie, Égypte) ont une chance inespérée de pouvoir s'engager sur la voie de la démocratisation. Que d'autres (Algérie, Maroc) sont encore en deçà de la rupture, et que celle-ci peut aussi déboucher sur la violence, comme en Libye. Même si le départ de Ben Ali et la chute de Moubarak ont pu, un moment, nous faire rêver d'une Afrique du Nord libérée totalement et pacifiquement de ses autocrates, le réveil humanitaire vient de sonner.

Aider Tunis et Le Caire, c'est autant une urgence politique qu'humanitaire, pour renforcer le coin de démocratie que les jeunes arabes ont eux-mêmes créé sur l'autre rive. Car la magie de toute libération est éphémère. Sans un soutien concret, politiquement clair, aucune intervention militaire, pour empêcher Kadhafi de continuer à nuire, aucune intervention policière, pour endiguer l'immigration clandestine, ne seront légitimes aux yeux de tous ces jeunes qui ont bravé la peur pour se libérer.

Longtemps pétrifiés par l'échec de leurs prévisions et l'affichage souvent inavouable de leurs relations amicales avec les autocrates arabes, les dirigeants européens sortent enfin de leur forteresse. Pour la première fois, la Commission a, hier, clairement condamné Kadhafi. La France, par la voix d'Alain Juppé qui sera au Caire ce dimanche, affiche son choix pour le camp démocrate. On parle, ici ou là, de plan Marshall. Paris relance son idée d'Union pour la Méditerranée. Qu'importe l'étiquette. C'est par des gestes d'aide concrets que les deux rives peuvent nouer de nouveaux liens. Maintenant.

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