TOUT EST DIT

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jeudi 3 mars 2011

La résistance fiévreuse du petit peuple de Brega

La rébellion est parvenue à repousser les milices pro-Kadhafi dans cette ville de l'est de la Libye.

La route est jonchée d'étuis de lance-roquettes vides, de douilles de mitrailleuses et de cartouches d'armes légères. Tout autour, le sable jaune du désert a déjà effacé les autres traces des intenses combats qui ont opposé les milices fidèles à Kadhafi aux troupes de la révolution.
Un groupe de gamins, dans des uniformes improvisés, kalachnikov sur l'épaule, surveille avec fierté les vestiges de leur demi-victoire. «On se serait battu jusqu'à la mort. Jamais Kadhafi ne reviendra dans l'est de Libye», jure Youssef, entre deux «Allah akbar» et une rafale tirée en l'air. Au loin, une fumée noire monte dans le ciel. Un bâtiment touché par une bombe larguée par des chasseurs achève de brûler. Youssef avoue avoir été surpris par son baptême du feu.
Le raid des partisans de Kadhafi sur Brega a semé la stupeur dans cette petite ville, située à 240 kilomètres à l'ouest de Benghazi. Construite il y a une dizaine d'années pour loger les ouvriers du grand complexe gazier voisin, la cité a de faux airs de station balnéaire. «Ce sont ces usines que Kadhafi veut détruire», assure Mashala Agoub, un ingénieur chimiste qui, le temps d'une révolte, s'est mué en «commandant». Le site est stratégique : il approvisionne en gazole les stations-service et les centrales électriques de Benghazi et de sa région. «Sans ce complexe, la région serait vite plongée dans le noir», jure Mashala Agoub.
Les miliciens ont lancé leur coup de main peu après l'aube. Les soldats de la révolution en faction et les civils armés à la hâte n'ont pu offrir qu'une résistance symbolique à leur adversaire. «Nous nous sommes repliés pour aller chercher des renforts à Ajdabiya, la grande ville voisine», raconte un combattant. L'annonce du retour des gardes de Kadhafi a électrisé la région.
Sur la route qui rejoint le front, des dizaines de voitures filent, drapeau au vent, chargées d'hommes aux yeux exorbités. La plupart n'ont pas d'armes. D'autres une mitraillette, parfois un pistolet ou seulement un couteau. Mais tous veulent en découdre et mourir en martyr, tout du moins l'affirment-ils. On monte au combat par principe. «J'ai cinq enfants, mais ma femme m'a dit de partir. Cela ne sert à rien de vivre avec Kadhafi. Quarante-deux ans cela suffit», s'époumone Hajib, entassé avec six autres néocombattants dans une somptueuse berline ivoire.

Au plus près de la mitraille, le silence se fait

Montés sur deux gros Land-Cruiser, une dizaine de soldats professionnels comptent leurs caisses de munitions et leurs roquettes avant de tenter d'encadrer un enthousiasme militaire qui menace de tourner au chaos. Ils abandonnent vite. Abdoul Bouraïd, cheveux longs et barbe fournie, décide de diriger sa troupe droit sur l'ennemi en plein désert. Au loin, les explosions des roquettes et les coups sourds des mitrailleuses signalent la bataille. Dans un coin, quatre vieux artilleurs ont monté à la hâte un canon antiaérien. Au jugé, ils arrosent de longues rafales les positions supposées de l'ennemi. Chaque détonation est longuement saluée par la foule qui s'est massée sur les dunes environnantes et contemple la bataille. Tous sont comme autant de Napoléon, qui discutent des heures de la meilleure stratégie pour encercler l'adversaire réfugié autour de l'université. Au plus près de la mitraille, le silence se fait. Les visages sont tendus tandis que les tirs partent. «Le problème est que les miliciens ont pris des civils et même des enfants comme bouclier humain. On ne peut pas les attaquer», affirme Moussa Arib Moussa, qui se dit le responsable militaire de la ville. Vers dix-sept heures, les miliciens décrochent de leur position pour se regrouper autour de l'aéroport local. Mercredi soir, les combats continuaient.
Chacun tente de se déplacer vers le nouveau champ de bataille dans les hurlements des Klaxon. Ils ne se taisent que pour laisser passer une camionnette chargée de corps. L'hôpital de Brega n'a pas échappé à la frénésie. La maison du gardien a été transformée en morgue. Quatre cadavres, victimes d'un bombardement, attendent leurs funérailles. «Il y a au moins huit morts et onze blessés, mais ce n'est qu'un bilan provisoire car beaucoup de gens ont préféré emmener leurs blessés vers de plus grands hôpitaux comme Benghazi», explique le Dr Mohammed Masreid. Dans une petite chambre, de jeunes blessés pleurent doucement. Seul le bruit d'un avion de chasse dans le ciel les fait réagir. L'appareil décrit de larges cercles avant de piquer sur Ajdabiya. Le dépôt de munitions à la sortie de cette localité est la cible de raids répétés. Ils visent un immense champ entouré de barbelés dans lequel sont stockés, dans de petits bunkers, des milliers d'obus et de cartouches. «Nous sommes une poudrière car Ajdabya est une cité clef, le verrou qui contrôle les routes de l'est et du sud du pays», rappelle Youssef Mohammed, un avocat qui est à la tête du comité local. Mais l'homme est inquiet. «Il nous faut des renforts car il sera difficile de défendre la ville en cas d'attaque coordonnée» . À la tombée de la nuit, des bombardements continuaient autour du dépôt de munitions tandis que les tirs s'intensifiaient.

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