C’est une certitude : la place de l’islam en France est une question qui intéresse les Français. Rien que de très naturel, en vérité, puisqu’elle touche à l’image qu’ils se font de leur nation et d’eux-mêmes. Mais les mêmes enquêtes d’opinion qui établissent ce constat mettent aussi en évidence que le sujet est loin d’être considéré comme prioritaire dans le large éventail des préoccupations de la société. Comme si le pays portait sur lui un regard beaucoup plus détaché — on dirait presque, plus serein — que le personnel politique.
La confirmation, hier, par Jean-François Copé de la volonté de l’UMP d’organiser un débat, le 5 avril prochain ne peut que nourrir des inquiétudes sur les passions qu’une telle séquence pourrait réveiller. Ce sera une discussion « constructive », a juré le secrétaire général du mouvement, soucieux de déminer le terrain. Mais personne n’est dupe du nouvel intitulé de la consultation qui se prévaut de « moderniser la laïcité » : la deuxième religion de France est bel et bien visée et le débat a toutes les probabilités de la stigmatiser.
Cette crainte n’est pas seulement le fait de bonnes âmes humanistes, ni même l’exclusivité de l’opposition, loin de là. Elle est remontée jusqu’au sommet de l’État. Le Premier ministre a déclaré qu’il s’opposerait à une dérive électoraliste du débat qui jetterait l’anathème sur nos concitoyens musulmans. Difficile de faire plus sceptique… Avant lui, Alain Juppé avait clairement affiché son rejet d’une discussion qui, selon lui, est condamnée à déraper. De très nombreux députés de la majorité se disent ouvertement choqués par l’utilisation d’une telle thématique. Et chacun le sait bien : au final, c’est le discours d’exclusion porté par Marine Le Pen qui risque de profiter de la situation.
Le timing politique plaide pour ce scénario sombre… et en montre tous les dangers. Parler d’islam comme d’un problème à un an de la présidentielle et à deux petites heures de ces pays du Maghreb qui se libèrent, cela relèverait presque d’une certaine provocation à l’égard du monde arabe. Oui bien sûr, la consolidation d’un islam de France, comme l’a personnellement voulu le président de la République est tout à fait souhaitable, mais il passe d’abord par des mesures de reconnaissance — qui figuraient déjà dans le rapport Stasi — et non de méfiance. Il n’y aurait pas de prière dans les rues s’il y avait suffisamment de constructions de mosquées, portées par des élus courageux ou lucides et souvent freinées par les réticences de certains Français. Quant à la formation d’imams français, elle est bien évidemment nécessaire même si elle ne réglera pas, à moyen terme, le problème des prêches fondamentalistes, aujourd’hui extrêmement marginaux… et réprimés.
On marche sur des œufs. Raison de plus pour éviter à tout prix de mettre de gros sabots.
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