jeudi 3 mars 2011
Amateurisme
L’affaire d’espionnage médiatisée par Renault est en train de tourner en eau de boudin. Alors que le PDG Carlos Ghosn disait, le 23 janvier dernier, ses « certitudes » quant à la culpabilité de trois hauts dirigeants qu’il venait de faire licencier, son numéro 2, Patrick Pelata, a été contraint de reconnaître piteusement que Renault avait peut-être été « victime d’une manipulation ».
En d’autres mots, les trois cadres désignés à la vindicte populaire sont fondés à clamer qu’ils ont été renvoyés sans preuve, et même sans enquête sérieuse. Renault les accusait de détenir des comptes en Suisse ou au Liechtenstein. Les investigations officielles — engagées après leur licenciement ! – sont en passe de démontrer que c’est faux, et l’enquête interne du constructeur fait de plus en plus penser à une BD des Pieds Nickelés. Elle a été déclenchée après la réception d’une lettre anonyme et confiée à un cabinet privé, qui a lui-même sous-traité le travail. Le gouvernement et la police n’ont été avertis qu’à la fin des « investigations », ce qui est d’autant plus stupéfiant que l’État possède 15 % du capital de Renault, et que la Chine était accusée de vouloir voler les secrets industriels et économiques français. Snober le service de contre-espionnage quand on soupçonne la deuxième puissance mondiale de fouiller dans les affaires de la nation, il faut le faire !
Carlos Ghosn a longtemps été présenté comme un patron de génie. S’est-il cru invincible et infaillible ? Son imprudence dans ce dossier mal ficelé écorne gravement son autorité. Elle risque aussi de coûter très cher, et pas seulement à Renault. La Chine a joué les vierges outragées dès janvier. Elle ne laissera pas passer des accusations non prouvables. Si celles-ci font pschitt, Pékin ne manquera pas de se rappeler au bon souvenir des investisseurs et des hommes politiques français…
Que ce soit sur le plan diplomatique ou industriel, Paris multiplie décidément les bourdes : analyses superficielles, arrogance, impulsivité, effets d’annonce, amateurisme sont de mise chez nombre d’hommes politiques et de décideurs économiques. Pourquoi ? Sans doute parce que, du jet privé de Michèle Alliot-Marie à l’enquête parallèle de la direction de Renault, il y a une même désinvolture dans l’application des règles républicaines. Et ne parlons pas de la morale…
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