TOUT EST DIT

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jeudi 6 janvier 2011

Comment sauver les chrétiens d'Orient ?

Commencer avec la présidentielle ? Strauss-Kahn, de loin le meilleur ? Fabius qui, à défaut, pourrait s'imposer ? Le grand cadavre à la renverse qu'il faudra, puisqu'il n'a pas su ni voulu muer, tenter de réanimer ?

Recommencer avec l'affaire Sakineh et le cynisme des juges flics qui multiplient les mises en scène, les faux aveux orchestrés et voudraient nous présenter comme un progrès le passage de la lapidation à une pendaison ?

Epiloguer sur le double procès que m'intentent, pour le même article, un groupuscule d'extrême droite et un ancien du Monde diplo(au passage, et comme promis, copie de l'erratum paru, le jour même de la parution de l'article, sur le site Internet du Point : " Une erreur s'est glissée dans ce bloc-notes ; lorsque j'évoque les protagonistes du nouvel axe entre Riposte laïque et Bloc identitaire, c'est de Pierre Cassen qu'il s'agit et non de Bernard Cassen. ") ?

Je préfère, et de loin, revenir sur ce qui me paraît être l'événement le plus énorme, le plus gros de conséquences tragiques, de ce début d'année 2011 - je préfère revenir sur l'attentat qui, dans la nuit du Nouvel An, a fait 21 morts et 79 blessés parmi les fidèles de l'église d'Al Kidissine d'Alexandrie.

Cet attentat, tout d'abord, venait en point d'orgue d'une série d'attaques qui, au Nigeria, aux Philippines, ailleurs, avaient ensanglanté la nuit de Noël. Il venait au terme d'une année marquée, entre autres, par le carnage de la cathédrale de Bagdad. En sorte qu'il est de moins en moins contestable que l'on est en présence, là, d'une persécution de masse en bonne et due forme. Difficile à concevoir, s'agissant d'une religion longtemps dominante, voire dominatrice et intolérante ? Peut-être. Mais c'est pourtant vrai. Et Benoît XVI est parfaitement fondé à dire que les chrétiens sont, aujourd'hui, à l'échelle de la planète, le groupe religieux " en butte au plus grand nombre de persécutions ".

Cet attentat, comme tous les autres, visait une communauté dont on ne dit pas assez que son histoire se confond avec celle de la région. Cette vague d'actes terroristes décime des Eglises dont on ne sait pas suffisamment qu'elles furent (les coptes d'Egypte) longtemps majoritaires ou en tout cas (la Syrie) plus anciennes que l'arrivée de l'islam. En sorte que ceux qui les commettent ne sont pas seulement des barbares mais sont aussi des imbéciles qui, lorsqu'ils prétendent éradiquer la " division " en terre d'islam, s'en prennent à ce qui fait l'âme de la région. Le forfait serait aussi grand si les chrétiens d'Orient n'étaient pas cette minorité autochtone ? Bien sûr. Mais la circonstance est aggravante. Elle ajoute une dimension, disons, métaphysique au geste. Un crime irréparable a été commis lorsque le monde arabe s'est vidé de ses juifs et de leur mémoire. Qu'il se prive de ses chrétiens, qu'il fasse subir aux dernières communautés catholiques capables de prier dans la langue même du Christ ce qu'il a fait subir aux descendants des tribus d'Israël et ce sera, non seulement pour lui mais pour le monde, une nouvelle perte sèche, un nouvel effondrement spirituel et moral, un nouveau désastre de civilisation et de culture.

Autant dire que l'islam est, dans cette affaire, à la croisée de ses destins. Ou bien on s'obstine dans le déni et la langue de bois ; on continue, comme la police de Moubarak, à parler d'" actes isolés " ; on s'entête, comme Moubarak lui-même, à voir dans ces bains de sang des violences qui en avaient, non à " une communauté en particulier ", mais au " pays tout entier " ; on disculpe les coupables ; on fait comme Ahmed al-Tayeb, le grand imam d'Al-Azhar, qui dénonce le " point de vue (sic) du pape " appelant, en une insupportable " ingérence ", à arrêter le massacre des innocents ; et alors c'est, pour tous, le chemin de la catastrophe. Ou bien c'est le courage qui l'emporte ; les intellectuels musulmans sortent de leur assourdissant et terrible silence ; les imams prennent position ; le Conseil français du culte musulman fait école qui, dès le 1er janvier au matin, condamnait sans équivoque la " barbarie " de cet " attentat terroriste abject " ; et, ce que j'appelais, dans mon dernier bloc-notes, " l'honneur des musulmans " prenant enfin le dessus, l'on aura peut-être une vraie chance d'éviter le choc des cultures que d'aucuns appellent de leurs voeux mais qu'il faut à tout prix conjurer.

Quant aux autres, tous les autres, que doivent-ils faire ?

Ne pas tomber dans le piège, d'abord, de la fausse symétrie : " vous ne voulez pas d'églises ? nous ne voulons plus de mosquées " - le rôle des démocrates est de tenter de hisser autrui au-dessus de lui-même, jamais de s'aligner sur le pire de sa bassesse.

Ne pas céder non plus à l'éternel argument des pleutres : " gare à ne pas trop en faire ; en défendant ces gens, vous les désignez ; en les désignant, vous les exposez " - ceux qui connaissent l'histoire du peuple juif savent que le " profil bas " n'a jamais protégé personne et a toujours, au contraire, ouvert la voie aux égorgeurs.

Il faut parler, au contraire. Parler toujours et encore. Témoigner. S'indigner. Et même, quand on le peut, prier. Oui. Pourquoi pas, en effet, et puisque c'est de cela, après tout, qu'il s'agit, une prière oecuménique qu'appelleraient, d'une seule voix, des autorités des trois religions du Livre ? Pourquoi pas une journée mondiale des chrétiens d'Orient et, lors de cette journée, une heure où la planète serait invitée à s'unir, par la prière ou la pensée, avec ces persécutés ? Personnellement, j'en serai et ferai exception, pour l'occasion, à mon agnosticisme de principe

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