TOUT EST DIT

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jeudi 6 janvier 2011

Menace sur le génie belge 

On peine à croire que l’histoire se passe dans le pays hôte des principales institutions européennes. Mais c’est ainsi : dans l’Europe de 2011, l’un des pays fondateurs de l’Union se paie le luxe de se déchirer. Un spectacle assez désespérant quand, au même moment, les 27 peinent à consolider le grand idéal d’un continent solidaire au-dessus des intérêts de chacune des nations qui le composent.

Querelles linguistiques, incompréhensions culturelles, jalousies territoriales : tous les ingrédients d’un conflit inextricable sont réunis derrière un paravent d’apparente tranquillité. Ce pourrait être déjà un naufrage : quel pays, en pleine crise économique, pourrait se permettre une paralysie politique de plus de 200 jours ?

La petite Belgique est bien la seule à pouvoir supporter une telle épreuve. Grâce à l’étonnante solidité de son appareil d’État astucieux et efficace, tellement rodé à l’instabilité gouvernementale - comme le fut l’administration française sous la IV e république - qu’il parvient à faire tourner cette drôle de machine sans personne dans la cabine de pilotage. Il y a là une sorte de génie si on considère les fort corrects résultats économiques du pays et une atmosphère générale bien moins dépressive que dans l’hexagone.

Vu de l’autre côté de la frontière la situation prêterait presque à sourire tant elle semble relever de l’absurde. Est-ce le miracle inattendu d’un personnel politique, souvent de qualité, qui ne manque pas d’humour ? Ses ténors ne se prennent généralement pas au sérieux, dédramatisant du même coup une sorte de jour sans fin où l’échec des négociations entre Flamands et Wallons se prolonge si longuement qu’il survit désormais au cycle des saisons. Mais combien de temps une telle comédie peut-elle encore durer ?

Avec le temps, tout ne s’en va pas. Ferré ne parviendrait pas à contredire l’amertume de Brel, ce Wallon qui crachait son exaspération envers les Flamands qui la lui rendaient bien. Les petites haines recuites et les rancœurs n’épargnent pas les territoires de la vieille Europe… Elles sont ordinaires mais elles font tellement froid dans le dos quand elles exigent le renoncement à des solidarités qui semblent évidentes sur de si petites superficies !

L’impuissance de l’Union à ramener les deux protagonistes à la raison ne peut que soulever les craintes devant le triomphe de la tentation d’un repli communautaire de plus en plus extrême. Le refus du parti indépendantiste flamand de donner son accord à un compromis qui semblait à portée de main accrédite l’hypothèse de la politique du pire. Si la partition n’est pas à l’ordre du jour, un péril bien pire encore menace la Belgique : le pourrissement.


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