TOUT EST DIT

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jeudi 6 janvier 2011

Quand les procureurs renâclent

Tous les présidents de la République rêvent d'inscrire à leur bilan une grande réforme de la justice, à l'image d'un François Mitterrand abrogeant la peine de mort. Nicolas Sarkozy avait, en 2009, déniché sa réforme emblématique : il allait, sans coup férir, supprimer le juge d'instruction, ce petit juge d'un autre temps, trop mordant, trop indépendant. Dans la foulée, tout le système pénal français serait revu et corrigé. Le ministère de la Justice y a travaillé d'arrache-pied. En vain.

2010 est derrière nous et les juges d'instruction sont toujours debout. L'Élysée ne parle plus de les supprimer. Ironie de l'histoire, ce sont désormais les procureurs de la République, pièces maîtresses du système pénal français, à qui toutes les enquêtes devaient être confiées, qui sont sur la sellette. On leur reproche un manque d'impartialité et d'indépendance : ils relèvent de l'autorité du garde des Sceaux, dépendent de l'exécutif. Et comme l'affaire Bettencourt l'a confirmé, si besoin en était, non seulement ils obéissent, mais ils devancent bien souvent les désirs du pouvoir.

À de nombreuses reprises, la Cour européenne des droits de l'homme a mis en garde la France : vos procureurs ne peuvent être considérés comme une « autorité judiciaire ». Ce ne sont pas des juges, mais des fonctionnaires soumis aux desiderata de l'exécutif. On caricature à peine. Ces critiques, jusqu'alors, le gouvernement n'en avait cure. Pas question de revoir le statut du Parquet et de se priver d'un tel instrument de pouvoir, qui permet d'imposer ses vues en matière pénale et de contrôler les affaires dites sensibles.

Cette position est-elle encore tenable ? La Cour européenne a des alliés de poids en France. La Cour de cassation, le 15 décembre dernier, a fait sienne son analyse. Le Conseil constitutionnel n'en pense pas moins. Quant aux procureurs, reçus hier à la Chancellerie, ils regimbent. Ils réclament une réforme « forte et symbolique » de leur statut. Ils se sentent de plus en plus contestés et fragilisés. Leur dépendance à l'égard du pouvoir politique est vécue désormais comme un boulet insupportable.

Toute la réforme pénale concoctée à la Chancellerie est donc en miettes. La mosaïque, construite autour du pouvoir renforcé des procureurs, se désagrège. Sans révision du statut des procureurs ¯ qui nécessite une révision de la Constitution ¯ le système pénal est à la merci de recours multiples devant la Cour de Strasbourg. Déjà, le projet de loi sur la garde à vue, présenté par Michèle Alliot-Marie, il y a trois mois à peine, a été en partie détricoté par la commission des lois de l'Assemblée nationale, afin de se mettre en conformité avec la jurisprudence européenne.

Alors Nicolas Sarkozy a fait volte-face. Il n'évoque plus le sort des juges d'instruction. Nouveau joker. Il veut introduire des jurés populaires dans les tribunaux correctionnels. Il y voit un triple avantage : cette réforme devrait plaire aux justiciables ; elle dégage des postes de magistrats dans des tribunaux surchargés ; elle peut être mise en place sans tarder, avant l'élection de 2012.

Cet optimisme présidentiel n'est pas partagé par tous et peut-être pas par le premier concerné, Michel Mercier, le nouveau garde des Sceaux. Casse-tête : cette réforme risque d'être coûteuse et juridiquement compliquée. Quant à la grande réforme du système pénal, elle attendra.

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