L'Allemagne et la France veulent créer un "club" de pays européens adoptant la même assiette fiscale pour l'impôt sur les sociétés. Leur modèle ? Les accords de Schengen.
Paris et Berlin travaillent à une initiative commune pour harmoniser l'impôt sur les sociétés en Europe. Après le débat ouvert sur le bas niveau d'imposition des bénéfices en Irlande (12,5 % contre 30 % en Allemagne) considéré comme une concurrence fiscale déloyale des deux côtés du Rhin, l'Allemagne et la France comptent faire ratifier par un groupe de pays de l'Union européenne (UE) un accord sur une même assiette fiscale pour taxer les sociétés dans ces pays.
Les deux Etats misent en fait sur le mécanisme de coopération renforcée prévu par les Traités européens. La libre circulation sans contrôle dans de nombreux pays de l'UE, les accords Schengen, a par exemple été mise en place d'une façon similaire. Des pays pouvant ensuite se joindre aux neuf pays pionniers. Dans ce cas, la France et l'Allemagne doivent trouver sept autres pays pour mettre en place donc dans neuf pays une assiette fiscale identique pour l'imposition des sociétés. Hormis la France et l'Allemagne, l'Espagne, les pays scandinaves (Danemark, Suède et Finlande) ainsi que certains pays d'Europe de l'Est devraient participer à cet accord.
Londres, Dublin et Bratislava hostiles
En revanche l'Irlande, la Grande-Bretagne et la Slovaquie seraient clairement hostiles à une telle harmonisation de l'assiette fiscale des entreprises. Cette assiette fiscale unique est considérée à Paris et Berlin comme un moyen pour atteindre un des objectifs de la "stratégie de Lisbonne", soit un marché unique fonctionnant bien. Pour un investisseur asiatique en Europe, par exemple, différentes assiettes fiscales dans l'UE représentent une complication et un coût supplémentaire, et influencent donc la compétitivité de l'Europe face à d'autres zones.
En mars prochain, la Commission européenne devrait faire des propositions sur cette assiette fiscale unique. Ce projet devrait être calqué sur l'initiative franco-allemande en cours. Les 27 pays membres devront ensuite en discuter. Bruxelles avait refusé d'introduire l'an dernier un taux minimum d'imposition sur les sociétés dans l'UE. A l'initiative du président Nicolas Sarkozy, Paris et Berlin ont mis en place un groupe de travail pour "explorer les possibilités de convergence de leurs systèmes fiscaux respectifs".
La semaine prochaine, le ministère allemand des Finances enverra à Bercy un mémo sur son système. En janvier prochain, les deux pays compareront leurs fiscalités. Cette "convergence" franco-allemande ne touchera pas cependant la fiscalité sur les successions, la fortune et la taxe foncière dans les deux pays. La France ayant à peine réformé la taxe professionnelle et l'Allemagne la taxe sur les héritages, ces deux dossiers à peine refermés ne seront pas rouverts dans leur discussion bilatérale.
Paris et Berlin espèrent parvenir à un accord bilatéral sur la fiscalité des entreprises à la fin du printemps ou au début de l'été. Côté français, la Cour des comptes, sous la direction de Didier Migaud, dirige le projet. Côté allemand, c'est directement le ministère fédéral des Finances qui gère cette nouvelle coopération.
Le groupe de travail franco-allemand sur la convergence fiscale avance. Mais il n’est pas certain que ses travaux puissent réellement servir de base à un projet de loi, côté français, que le président de la République, Nicolas Sarkozy, a annoncé vouloir présenter au Parlement en juin 2011. Et, par ailleurs, agendas et objectifs des deux côtés n’apparaissent pas forcément les mêmes.
Calendrier : Français et Allemands vont s’échanger, la semaine prochaine, des éléments de présentation de leurs systèmes fiscaux respectifs. Les deux parties se rencontreront ensuite début janvier. Il s’agira alors de comparer les deux systèmes et de voir sur quelles lignes communes les deux pays peuvent avancer.
Côté allemand, on indique toutefois que les recommandations ne sont pas à attendre avant le début de l’été, au mieux la fin du printemps.
En France, c’est la Cour des comptes qui a été investie de ce travail. Côté allemand, une équipe a été mise en place au sein du ministère des finances, à Berlin.
Les objectifs : M. Sarkozy a affiché sa volonté de s’appuyer sur les travaux franco-allemand pour réformer la fiscalité en commençant par la fiscalité du patrimoine. Le projet de loi qui doit être présenté en juin portera sur cette seule question.
L’imposition des entreprises figure aussi dans le champ de la réflexion. M. Sarkozy estime que, pour des raisons de compétitivité, il serait bon pour la France de s’inspirer de l’exemple allemand, avec son assiette d’imposition large et ses taux plus faibles qu’en France (sur le papier, car les taux réels ne sont pas si éloignés). Mais les décisions dans ce domaine pourraient ne pas intervenir en 2011.
En tout cas, c’est quasiment ce seul sujet qui intéresse les Allemands. Et ils comptent notamment que ces discussions avec les Français permettront d’avancer des propositions communes sur l’assiette de l’impôt sur les sociétés et que cela pourra servir de base pour avancer au niveau européen.
La Commission, européenne a indiqué vouloir ouvrir ce dossier l’an prochain. Elle veut aboutir à une assiette commune consolidée de l’impôt sur les sociétés, qui permettraient aux entreprises ne pas avoir à négocier avec 27 systèmes différents, libre ensuite aux Etats d’appliquer les taux d’imposition de leur choix sur la part de l’assiette qui leur revient.
M. Sarkozy se sert, quant à lui, du discours sur la convergence fiscale avec l’Allemagne comme d’un moyen pour faire passer la double suppression du bouclier fiscal et de l’impôt sur la fortune (ISF) à laquelle doit aboutir la réforme sur le patrimoine de mi-2011. Il prend en effet l’exemple allemand comme référence sur ce sujet, l’Allemagne n’ayant ni l’un ni l’autre de ces dispositifs.
A Berlin, ce tout ce qui touche à l’imposition de la fortune, du foncier, des successions ne figure pas à l’agenda.
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