TOUT EST DIT

TOUT EST DIT
ǝʇêʇ ɐן ɹns ǝɥɔɹɐɯ ǝɔuɐɹɟ ɐן ʇuǝɯɯoɔ ùO

jeudi 2 décembre 2010

Garçon, l’addition !


« De quoi se plaignent-ils ? Ils n’ont jamais été aussi bien ! » C’est par cette phrase décrivant le sort du peuple anglais, artificiellement épargné par la crise jusqu’à présent par les déficits publics et les taux à 1 %, que Lord Young, 80 ans, ancien ministre de Madame Thatcher, s’est vu remercié de ses fonctions de conseiller économique du Premier ministre. Par ce geste symbolique, David Cameron semble avoir voulu rejoindre le reste de la classe politique européenne cherchant toujours à masquer aux populations les nécessaires conséquences de la crise que nous traversons.


Force est en effet de constater que grâce aux largesses publiques et à la politique de l’argent gratuit, le revenu disponible des ménages européens a en fait augmenté de manière contra-intuitive depuis 2007, laissant croire à une sortie de crise après trois ans... Précisément au moment même où 2011 pourrait bien être la première année où les marchés financiers nous forcent à commencer à régler l’addition.


Sous-estimant la portée de la crise depuis trois ans, les dirigeants européens continuent de voir leur salut dans la culture du mensonge à leur électorat : mensonge de la BCE à travers un stress test bancaire bidon qui donna quitus aux banques irlandaises cet été pour les voir en faillite des l’hiver ; mensonge du refus de restructuration des dettes publiques des PIGS, tout en reconnaissant implicitement ce week-end leur défaut prévisible dès 2013 ; mensonge des réformes structurelles gouvernementales, où l’Espagne, arguant d’un “too big to fail” qui n’est pas sans rappeler Lehman, continue de refuser de manière suicidaire à la fois réformes du travail, des caisses d’épargne et des retraites ; enfin, mensonge institutionnel avec la mise en place d’une prétendue ligne Maginot salvatrice de l’Europe de 750 milliards d’euros dont il est maintenant clairement établi que son nécessaire statut AAA la rend morte-née en cas d’attaque du souverain espagnol.


Les mensonges sont agréables jusqu’à ce qu’ils soient découverts et il est fort à parier que 2011 verra le début d’une “opération vérité” obligeant à commencer à rembourser vingt années de dettes accumulées. Avec sans doute deux scénarios possibles, dont chacun jugera à sa guise de l’attractivité respective :




- soit la reconnaissance du défaut de certains Etats, avec la vaste recapitalisation du secteur bancaire européen qu’elle implique et qui aurait dû déjà avoir lieu cet été si la BCE n’avait pas préféré définitivement perdre le peu de crédibilité qui lui restait en acceptant de couvrir les libéralités comptables des banques ; l’ardoise était alors estimée à une fourchette de 50 à 100 milliards d’euros, qui maintenant, à en juger par les 35 milliards d’euros potentiellement engloutis dans les seules banques irlandaises ce week-end, devrait entraîner une recapitalisation beaucoup généralisée du secteur bancaire européen, sauf à ce que les auditeurs ressortent pour les comptes 2010 leur vieux manuels du temps d’Arthur Andersen et de Worldcom !




- soit la technique dite du “Bernanke”, très en vogue aux Etats-Unis : Picasso avait, dit-on, pour habitude de régler ses repas à la Colombe d’Or en illustrant les additions. De même, le Gouverneur Trichet peut-il s’essayer à la sérigraphie à tirage illimité d’euros pour racheter les dettes des PIGS, à charge pour lui de convaincre les collectionneurs allemands de leur esthétique à la prochaine foire d’art contemporain berlinoise… Il lui faudra sans conteste déployer tout le charme de Judith Benhamou-Huet !


Les marchés s’accélérant, les semaines à venir nous diront si la première approche du “plombier” est encore repoussée par le recours à la seconde, celle du “pompier”, dont l’Histoire nous enseigne qu’elle finit dans le meilleur des cas par une remontée soudaine des taux d’intérêt et d’explosion sociale.


Entre temps, sans doute ne serait-il pas étonnant de continuer à voir de plus en plus de dirigeants voter avec leur portefeuille, tel le Président de Daimler ou un administrateur de Pernod Ricard la semaine dernière, se délestant respectivement de 12 et 8 millions d’euros d’actions.


Comme si même nos derniers espoirs d’exportation de luxe allemand et de remontants français allaient se heurter en 2011 à la dure réalité du « Garçon, l’addition ! ».

0 commentaires: