Les strauss-kahniens en font pourtant une lecture très différente : tout est question de balance, explique en somme François Patriat, sénateur strauss-kahnien de Côte-d'Or, interrogé mercredi par LeMonde.fr : "il donne un coup de barre d'un côté, un coup de barre de l'autre". En l'occurrence, une autre interview passée plus inaperçue en France, cette fois-ci à la télévision suisse, le 23 novembre. "J'ai une mission, je la remplis (...). Je suis très touché de voir que mes concitoyens m'apprécient, d'un autre côté s'ils m'apprécient c'est pour le travail que je fais et donc il faut que ce travail se poursuive. On verra ce que l'avenir réserve un peu plus tard."
Statutairement, le directeur du FMI ne peut absolument pas prendre partie dans la politique nationale, sous peine de sanction. Se sachant surveillé de très près, Dominique Strauss-Kahn joue donc le mystère, et multiplie les répliques sibyllines. Sur RTL, le 4 février, il expliquait ainsi qu'il comptait aller au bout de son mandat, tout en ajoutant que "dans certaines circonstances", il pourrait se "reposer cette question". Le 7 octobre, dans Le Monde, il explique : "Les Français ne m'oublient pas, je ne les oublie pas non plus, (...) je suis concentré sur mon mandat." Le 15 novembre, sur France Inter, il refuse une fois encore de répondre, ajoutant : "Il n'est pas dit que le jour où je donnerai la réponse à cette question, j'y réponde à travers un média." Mais son épouse, Anne Sinclair, est au "Grand journal" de Canal+ et y martèle que son mari est bel et bien "de gauche".
Ses partisans sont eux persuadés de son retour, et épluchent ses notes, ses interventions, à la recherche de signes en ce sens. Dernière théorie en date : Dominique Strauss-Kahn a mené une réforme du FMI, au terme de laquelle les pays en développement seront mieux représentés. Il plaide maintenant, il l'a répété jeudi 2 décembre, pour que l'institution soit dirigée à l'avenir par quelqu'un originaire d'un pays en développement. Il n'en fallait pas plus pour que ses fans imaginent un retrait progressif en 2011, date de la réforme, au profit d'un nouveau directeur issu d'un pays émergent.
A ce petit jeu, la presse n'est pas innocente. Editos, articles, dépêches... le cas Strauss-Kahn est très suivi. Trop ? La plupart des articles évoquant un retour de "DSK" sont tout sauf étayés. Dernier en date : Le Canard enchaîné relate, en tête de sa page 2, mercredi 2 décembre, un écho d'un "dîner en ville", où un ponte d'Euro RSCG non identifié aurait raconté comment "DSK" les faisait travailler sur son programme pour 2012. Car, candidat ou non, "DSK" se préoccupe de ses intérêts en France, qu'il a confiés en grande partie à Stéphane Fouks, président exécutif de cette influente agence de communication parisienne, dont le sigle revient souvent dans les articles consacrés à cette candidature. De là à imaginer que son équipe et lui aient pu inspirer quelques articles...
Avec la réforme des retraites, le parti présidentiel se plaît à s'accaparer la figure de "DSK". Ainsi, l'UMP n'a pas manqué de relever un rapport émanant du FMI et plutôt en faveur de la loi, en résumant la chose comme "Strauss-Kahn soutient la réforme", alors même qu'il n'a pas le droit de prendre position.
Dernier "coup" en date : l'ostentation manifestée par Nicolas Sarkozy lorsqu'il a reçu Dominique Strauss-Kahn à l'Elysée, suivie de la salve de compliments que lui a lancé le chef de l'Etat lors de son interview, le 16 novembre. "C'est un homme pour qui j'ai beaucoup de considération ; il fait parfaitement son travail", a expliqué le chef de l'Etat, rappelant au passage qu'il était "son" candidat pour le FMI. La manœuvre peut sembler grossière, elle donne du grain à moudre à la gauche de la gauche, pour qui "DSK" est avant tout l'homme des "banksters" et du capitalisme mondialisé.
Samuel Laurent
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