TOUT EST DIT

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lundi 29 novembre 2010

Pyongyang teste les limites du G20

Ne m'oubliez pas… si je vous fais peur, c'est donc que j'existe ! » A peine le sommet du G20 prenait-il fin à Séoul, que le régime de Pyongyang semblait vouloir en célébrer à sa manière les limites.
C'est ainsi qu'il faut interpréter « les actes de guerre », les bombardements sur une île sudcoréenne, commis par la Corée du Nord la semaine dernière. Cette action isolée ne devrait pas préfigurer une véritable escalade entre les deux Corées. Elle n'en traduit pas moins une des faiblesses récurrentes de la gouvernance mondiale. Entre l'Amérique, qui n'est plus ce qu'elle était, et la Chine, qui n'est pas encore ce qu'elle deviendra, il y a comme un hiatus, « une zone grise » dont profitent avec une forme de machiavélisme primaire les dirigeants nord-coréens.
Le régime de Pyongyang peut être caricatural ; il n'est pas irrationnel. Il achète sa survie à coups de provocations répétées. Il finance sa folie par la peur qu'il suscite d'actions plus folles encore. Dans son comportement, la Corée du Nord s'apparente davantage à une secte baroque, paranoïaque et rusée qu'à toute autre forme de régime sur la planète. C'est sa force - qui veut provoquer le diable ? -, c'est aussi sa faiblesse. Combien de temps la « famille Kim » peut-elle rester au pouvoir ? Sa chute entraînera de manière quasi automatique la disparition de la Corée du Nord au sein d'une Corée réunifiée. La tension entre les deux Corées préfigure ce que pourrait devenir notre monde, si le nouveau désordre international débouchait sur le chaos. Et elle intervient dans une zone géographique particulièrement sensible et à un moment particulièrement délicat. La Corée du Nord n'est-elle pas le principal, sinon le seul, allié de la Chine dans la région ? Et ce « chien fou » aux portes de la Chine - pour utiliser la formule d'un blogueur chinois -n'est-il pas aussi la démonstration des limites de l'influence régionale et internationale de Pékin ?
Le prix Nobel d'économie américain Thomas Schelling, qui enseignait au MIT, avait souligné dans un ouvrage paru en 1960, « La Stratégie du conflit », la capacité de négociation du très faible par rapport au très fort. Si le premier était prêt à mettre dans la balance « son suicide » et si le second n'était pas disposé à accepter le risque pour lui-même de la disparition de l'autre, le faible pouvait faire chanter le fort. La réflexion de Thomas Schelling s'applique parfaitement aux relations entre Pékin et Pyongyang aujourd'hui.
Il serait en effet simpliste d'affirmer que, face aux provocations répétées du régime nordcoréen, il y aurait une puissance qui voudrait agir mais n'en a plus les moyens, les Etats-Unis, et une puissance qui pourrait agir mais ne le souhaite pas, la Chine. Pékin a certes un objectif stratégique qui l'emporte sur toute autre considération : éviter l'éclatement de la Corée du Nord et un afflux massif de population vers la Chine. Une réunification de la Corée placerait aussi les troupes américaines présentes en Corée aux frontières de la Chine.
Jusqu'à présent, la Chine n'a pas su (pas voulu) trouver de réponse au dilemme posé par Schelling. Pékin critique du bout des lèvres le comportement des dirigeants de Pyongyang, au risque d'apparaître irresponsable aux yeux de la communauté internationale. Elle nourrit ainsi une méfiance qui ne fait que grandir à son encontre dans l'ensemble du continent asiatique. Trop active en mer de Chine, trop passive à l'égard de la Corée du Nord, la Chine peine à trouver un comportement diplomatique à la hauteur de son nouveau statut international. En réalité, elle place aussi l'Amérique devant ses contradictions et lui demande par ses hésitations ce qu'elle attend vraiment de la Chine.
Les manoeuvres navales conjointes décidées par Washington et Séoul au lendemain des provocations de Pyongyang constituent le « minimum » indispensable. Comment l'Amérique serait-elle crédible aux regards de l'ensemble des nations asiatiques qui lui demandent de rester un facteur d'équilibre face à la Chine si elle ne faisait pas preuve de calme, de fermeté et de lucidité dans la crise actuelle ?
S'il y a un jour peut-être un G2 dans le monde, la Corée du Nord aura certainement contribué à sa naissance.

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