Jusqu'alors exclusivement rédigées avec l'alphabet latin, les adresses Internet pourront s'écrire avec des caractères chinois, arabes, cyrilliques ou hébreux. Lors d'une réunion à Séoul, l'Icann, organisme américain chargé de la gestion mondiale des noms de domaine, a voté, vendredi 30 octobre, l'introduction de "noms de domaines internationalisés" (IDN). L'initiative, déjà entérinée en juin 2008, a fait l'objet de débats pendant de nombreuses années.
Pour rendre cette opération possible, l'Icann a dû concevoir un nouveau système de traduction pour les noms de domaine. "Tout un travail technique doit encore être réalisé, par ceux qui enregistrent les noms de domaine, par les fournisseurs d'accès à Internet, et les utilisateurs finaux devront mettre à jour leur navigateur afin de le rendre compatible", explique Steve DelBianco, directeur exécutif de Netchoice, expert américain des questions de gouvernance sur Internet. Les demandes pourront être faites dès la mi-novembre, et les premiers noms de domaines internationalisés devraient être en ligne en milieu d'année 2010. Cette initiative marque-t-elle pour autant un tournant historique dans l'histoire du Web, comme l'affirment les responsables de l'Icann ?
"L'Icann n'a fait que résister aussi longtemps que possible à la pression des utilisateurs pour se servir de noms dans leurs propres langues", commente Louis Pouzin, président d'honneur de la Société française de l'Internet et membre de l'association Eurolinc, pour la diversité linguistique sur Internet. Plus de la moitié des 1,6 milliard d'individus connectés à Internet n'utilise pas une langue utilisant l'alphabet latin.
L'appréciation du système de l'Icann pourrait varier en fonction des zones géographiques. "Apparemment, les pays latins sont peu motivés pour adopter les IDN. Ils ont pris l'habitude de caractères non accentués dans les noms de domaine, et l'usage des IDN nécessiterait l'enregistrement d'une multitude de variantes orthographiques. Les pays utilisant le cyrillique, l'arabe, le persan et autres langues orientales sont quant à eux assez bien disposés", explique M. Pouzin.
ACCÈS RESTREINT
Forte de plus de 338 millions d'internautes, la Chine n'a pas attendu les mesures de l'organe américain pour proposer un système alternatif. "Il est malheureux que l'Icann ait mis autant de temps pour autoriser les noms de domaines internationalisés ; avec ce délai, la Chine a pu créer son propre 'îlot' sur Internet, dans lequel les usagers peuvent écrire les noms de domaine en chinois", note Steve DelBianco.
Historiquement, les noms de domaine en caractères non latins ont été introduits dès 1999 par des chercheurs de l'université de Singapour. D'abord appliquée au chinois, cette technique a été étendue aux autres langues asiatiques, puis orientales et européennes. Vers 2002, une société coréenne, Netpia, a conçu une autre technique de mots-clés en alphabet local, qui s'est ensuite développée en Chine, au Japon et en Turquie. Avec le projet Net4D, le chercheur Francis Muguet a également proposé une alternative au système américain, ouvert à d'autres langues.
Le champ d'application du dispositif de l'Icann est également restreint, et ne concerne que les adresses avec l'indicatif des pays (.cn pour la Chine, .ir pour l'Iran, etc.). Les .com et .net ou .org, qui constituent la majorité des plus de 180 millions de domaines à l'échelle mondiale, ne sont pour l'instant pas concernés. "Ce qui est troublant, c'est qu'au final, les internautes de ces pays pourraient disposer d'un Internet moins libre et moins ouvert", déduit Steve DelBianco.
Laurent Checola
vendredi 30 octobre 2009
Le Web, nouvelle tour de Babel ?
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