samedi 15 mars 2014
Ecoutes, conspirations, bouffonneries : bienvenue dans la France «d'en haut»
Chaque jour, la République française semble s'enfoncer un peu plus dans le chaos et les scandales qui jour après jour, n'épargnent personne: enregistrements clandestins de réunions stratégiques, écoutes téléphoniques d'un haut responsable politique de l'opposition, publications de dialogues volés, pétitions, insultes, calomnies, intrigues, rumeurs de suicide, mensonges tous azimuts, bouffonneries, avalanche de plaintes. Ces phénomènes se produisent dans un contexte d'impuissance publique aggravée, avec un chômage qui frappe environ 5 millions de personnes et l'incapacité des politiques à régler les questions d'insécurité, d'éducation, d'exclusion. Ce qui frappe également l'observateur, c'est la plongée dans l'abîme du sectarisme. Chaque politique se présente un couteau entre les dents pour défendre son camp, ses intérêts électoralistes et nul ne semble capable de prendre de la hauteur, de reconnaître une déconfiture générale de faire un mea culpa et d'en appeler à un geste de réconciliation. Bien au contraire, les principaux protagonistes de cette crise s'enfoncent dans les dénégations et une mauvaise foi confondante. Il est trop facile de fermer les yeux sur cette déliquescence de la vie publique au prétexte de ne pas vouloir nourrir le «tous pourris». La perte de crédibilité du monde politique est une réalité qu'il est impossible d'ignorer.
Cette situation résulte d'une aggravation de l'anomie ou de la perte des repères éthiques qui gagne la France d'en haut, le monde politique, médiatique, les sphères d'influence. Les principes, les règles de droit et de comportement semblent balayés par un ouragan de folie. Nul ne sait au fond pour qui ou pour quoi il court. Plus personne ne croit en rien sauf en lui-même. Tous les moyens sont bons, et la fin n'existe plus. Un seul objectif s'impose sur tout le reste: conserver son poste, réaliser son ambition personnelle. S'il fallait faire une comparaison historique, la période actuelle pourrait être rapprochée de l'ancien moyen-âge, de l'époque qui suit le règne de Dagobert, où le pouvoir politique, incarné par les «rois fainéants», perd toute maîtrise sur la réalité et sombre dans l'abîme des complots et de la violence. La France «d'en haut» semble ainsi se transformer en cour mérovingienneau VIIe siècle: «On avait perdu l'habitude d'obéir. Les grands conspiraient... Des années de guerre civile s'en suivirent... Lutte entre des partis rivaux qui couronnaient et détrônaient des rois enfants... Les contemporains assistèrent avec terreur à cette anarchie où la France sombrait» (Jacques Bainville, Histoire de France).
Comment un citoyen lambda peut-il réagir dans ce contexte? Il est illusoire d'imaginer qu'à terme, un camp politique sorte vainqueur de ce marigot dans lequel tous les partis sont plongés. La conséquence inévitable du chaos est l'aggravation de la défiance en le politique et le risque de la voir se transformer en dégoût généralisé, avec, pour effet concret, une montée de l'abstentionnisme et du repli sur la sphère privée comme dernier refuge. En revanche, il n'est pas certain que ce désordre profite aux courants extrémistes protestataires. En effet, c'est l'ensemble du monde politique national qui est associé dans la même opprobre. La conscience ou l'intelligence populaire, solides dans la débâcle, font obstacle à la poussée des extrémismes qui se nourrissent du chaos, l'attisent par un discours de haine et n'offrent pas la moindre solution aux difficutés de l'époque.
Quand la France d'en haut sombre dans le désordre, la majorité silencieuse, la France d'en bas tient heureusement la route: responsables d'entreprises, maires, monde associatif, préfets, militaires, professeurs, médecins, ingénieurs, salariés... Il n'existe pas aujourd'hui de solution miracle. Dans le marasme actuel, la pire des erreurs est de se réfugier dans une croyance en l'homme ou la femme providentiel et de se livrer au culte d'une personnalité. Ce réflexe, classique dans les périodes de doute, semble archaïque à une époque où les enjeux atteignent un si haut niveau de complexité que leur résolution ne saurait tenir dans le cerveau d'un seul. Que faire? œuvrer, chacun à son niveau, en faveur de l'émergence progressive de nouveaux réseaux, un renouvellement de la classe dirigeante, l'arrivée de nouvelles équipes constituées d'hommes et de femmes de terrain, engagés en faveur de l'intérêt général. Et cela par tous les moyens disponibles: bulletin de vote, participation à la vie municipale et associative, l'échange sur Internet.
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