On dit que les LBO créent de la valeur. Mais pour qui ? La question mérite d'être posée.
Un LBO consiste à racheter une entreprise par une combinaison de capital et de dette. La dette a un but essentiel : maximiser le profit que fera l'acheteur sur son apport en capital au moment de la revente. Plus l'endettement est élevé, plus le profit sur le capital sera élevé. La caractéristique du LBO est que la dette, dite dette d'acquisition, n'est pas garantie par des actifs externes liés à l'acquéreur mais par les actifs mêmes de l'entreprise acquise.
La nature de la dette d'acquisition soulève des questions majeures.
Il convient d'abord de corriger une perception largement répandue : les LBO n'apportent pas de capitaux aux entreprises, ils ne concourent pas au financement de l'économie. Ils ne font qu'acheter et revendre des actions existantes.
Non seulement ils n'apportent pas mais ils prélèvent. Ils ponctionnent les ressources de l'entreprise acquise pour assurer le service de la dette d'acquisition. Les ressources pour financer la croissance sont amputées.
La dette d'acquisition réduit d'autant la capacité d'endettement de l'entreprise acquise, donc ses possibilités d'emprunt pour financer des projets de croissance. Dans un environnement de crise comme aujourd'hui, l'entreprise a un double handicap : obtenir les soutiens bancaires nécessaires à son exploitation et assumer la dette d'acquisition.
Le LBO transforme une entreprise à faible risque en une entreprise à risque élevé. Avant l'acquisition, l'entreprise a par définition un profil de risque faible : elle est bénéficiaire, elle a peu de dettes, un cash-flow positif, elle est déjà en croissance en termes de chiffre d'affaires et d'emploi. Ces caractéristiques sont en effet nécessaires pour appliquer à l'entreprise la dette d'acquisition la plus élevée possible. Après l'opération de LBO, l'entreprise a un profil de risque dégradé : moins de cash-flow, plus de dettes.
L'entreprise acquise assume le risque plein de la dette d'acquisition (jusqu'au risque de défaut, voire sa disparition) sans avoir bénéficié de l'usage de la dette, par exemple pour financer un projet de croissance. Les actionnaires acquéreurs en revanche bénéficient pleinement de l'usage de la dette tout en limitant leur risque au montant de leur apport en capital.
Les actionnaires vont bien évidemment chercher à faire croître l'entreprise acquise : mais cette croissance sera contrainte par le poids de la dette d'acquisition. L'entreprise n'atteindra pas son plein potentiel de croissance en termes de chiffre d'affaires et d'emplois. Les actionnaires acquéreurs ne s'en préoccupent guère car ils savent que le déficit de croissance sera compensé par le profit supplémentaire engendré par la dette d'acquisition.
Les intérêts de la dette d'acquisition viennent réduire l'impôt sur les bénéfices payé par l'entreprise acquise, un coût pour l'Etat de près de 1 milliard d'euros par an, une véritable subvention à l'industrie du LBO. Comment justifier cette subvention ?
Les LBO sont des opérations d'ingénierie financière qui maximisent le profit de l'actionnaire au détriment de l'intérêt de l'entreprise. Les investisseurs institutionnels (compagnies d‘assurances, banques, caisses de retraite) qui alimentent les fonds de LBO doivent en prendre conscience : les LBO peuvent générer des profits, mais ils ne servent pas l'économie.
Il faut s'inquiéter du retour massif des LBO, deux ans à peine après la crise, alors que les économies sont encore gravement atteintes. Les investisseurs institutionnels serviraient mieux l'économie, les intérêts à long terme de leurs déposants et souscripteurs s'ils allouaient moins de leurs ressources aux LBO et davantage à l'apport de capitaux aux entreprises pour le financement de projets de croissance.
Aujourd'hui en France 1.700 entreprises sont sous LBO au prix de 27 milliards d'euros de capital et 50 milliards d'euros de dettes d'acquisition. On peut imaginer la croissance économique qui aurait été gagnée si ces ressources avaient été mises au travail.
mercredi 2 mars 2011
Le retour des LBO, une mauvaise nouvelle pour les entreprises
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