TOUT EST DIT

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lundi 7 février 2011

N'oublions pas l'état des prisons
 
Le nouveau Défenseur des droits divise les parlementaires. Le très controversé projet de loi qui fusionne, dans une « super » institution, plusieurs autorités de défense des libertés ¯ le Médiateur de la République, le Défenseur des enfants, la Commission de déontologie de la sécurité et la Halde ¯ a été modifié par les membres de la Haute assemblée. Après avoir refusé que le Contrôleur général des prisons soit absorbé par la nouvelle autorité, les sénateurs se sont démarqués du texte adopté par les députés en première lecture.

La quasi-absence de débat sur l'opportunité d'absorber, dans la nouvelle structure, le très récent Contrôleur général des lieux de privation de liberté était étonnante. La fonction a été créée en octobre 2007 et son premier titulaire, Jean-Marie Delarue, n'a été nommé qu'en juin 2008. Depuis plusieurs années déjà, l'état désastreux de nos prisons a valu à la France d'être blâmée par le Commissaire européen aux droits de l'homme. Sans chercher le spectaculaire, Jean-Marie Delarue a constitué son équipe et il a déjà publié deux rapports annuels qui montrent la pleine utilité de l'institution du Contrôleur général. Il a commencé à mettre en oeuvre un véritable travail de fond, respectueux aussi bien des personnels que des détenus.

Si la situation était normale, s'il ne s'agissait que de veiller sur la bonne marche du système pénitentiaire, on pourrait considérer que la nouvelle organisation devrait permettre de remplir cette tâche. Mais il n'en est rien. En deux ans et demi, le Contrôleur général a, certes, commencé à faire bouger les choses, mais le chantier reste immense. Surpopulation, lieux dégradants, suicides, taux impressionnant de malades mentaux parmi la population carcérale... Les maux de nos prisons sont graves et profonds. Il faudra des années pour y remédier et faire que les lieux de détention ne soient plus une machine à transformer les jeunes délinquants en caïds, une antichambre de la récidive, une mécanique plus destructrice que réparatrice.

Pourquoi n'avoir pas symboliquement manifesté que la France considère ce chantier comme une priorité nationale, en détachant le Contrôleur général de la nouvelle structure ?

Dans cette période pré-électorale, où la question de la sécurité monte à nouveau, les hommes politiques n'ont guère envie de sembler se soucier davantage des détenus que des victimes. Ce n'est pas payant. Pourtant, faire de la prison un véritable outil de réinsertion serait, sans nul doute, une importante manière de lutter contre la délinquance. Notre société ne voit manifestement pas les choses de cette façon-là. Pour nombre de Français, les criminels ne doivent plus sortir lorsqu'ils ont été enfermés. Qu'importe ce qui se passe derrière les barreaux ! Le Contrôleur général leur semble un luxe inutile, une sorte de faiblesse démocratique...

À l'heure où Stéphane Hessel se taille un succès monumental avec son Indignez-vous !, les Français ont des indignations sélectives. Il aurait été de la responsabilité des hommes politiques de voir plus loin, comme l'avait fait Robert Badinter en abolissant, contre l'opinion publique dominante, la peine de mort qui faisait honte à la France. Qui dira osera dire que la patrie des droits de l'homme ne doit pas s'accommoder d'un système carcéral qui est malheureusement trop souvent un pourrissoir ? Devons-nous souhaiter un monde barricadé, où les prisons seraient pleines de criminels mis définitivement sous les verrous ?

(*) Éditeur et écrivain.

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