TOUT EST DIT

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samedi 5 février 2011

Égypte : l'explosion était prévisible

« Depuis dix ans, on entend dire que l'Égypte va exploser. Vous voyez qu'il n'en est rien. Le pouvoir a les choses en main. On voit mal comment il pourrait être débordé ». Voici ce qu'on ne cessait de me répéter au Caire, il y a trois ans. C'est ce que disaient, ces jours derniers, les services de renseignements israéliens dont on prétend qu'ils sont les meilleurs du monde !



Pourtant, cela bouillonnait déjà un peu partout à cette époque. Des grèves avaient lieu ici ou là. Juges, étudiants, ouvriers, paysans contestaient quelque peu tour à tour, mais les actions n'étaient pas coordonnées.

Les sujets de mécontentement et d'inquiétude ne manquaient pas : les jeunes, désoeuvrés, laissés sans perspective, les paysans produisant fruits et légumes pour l'exportation et n'ayant pas assez pour nourrir leurs familles, le pain moins épais et plus cher. Déjà, on s'interrogeait sur la succession du président Moubarak et l'on récusait d'avance le fils, Gamal, comme successeur.

Et voilà que l'Égypte a bel et bien fini par exploser comme beaucoup le redoutaient. Faute d'avoir réellement avancé dans la démocratie parce qu'il voulait plus ou moins imposer son fils, sans doute aussi parce que, à cause de ses méthodes policières et de la corruption tolérée, il n'avait pas confiance en son peuple, le Président a fini par créer les conditions de cette explosion.

Peut-être aurait-il été possible de canaliser cette crise vers une transition pacifique si le gouvernement égyptien avait fait preuve de réalisme. Sans doute avait-il trop de mépris pour ces va-nu-pieds qui envahissaient les rues des villes en protestant. Sans doute était-il trop confiant dans sa force. Mais que pouvaient donc faire les chars de l'armée, noyés, comme ils le furent immédiatement, dans une foule pacifique ? Un nouveau Tian'anmen était, en effet, impensable.

Distorsion entre population et économie

Du coup, l'impuissance de la force devenait évidente et manifestait les limites du pouvoir, donnant ainsi des ailes aux protestataires. Alors, on a remis la police dans la rue et, comme par hasard, aussitôt après, surgissait une contre-manifestation soutenant le Président en place. Elle fut certainement, pour une part, manipulée et appuyée par les profiteurs du régime, mais aussi par ceux qui préfèrent la mauvaise paix de la dictature policière au vide politique, source probable de grands malheurs avant une instauration hypothétique de la démocratie.

On en est là, avec trois risques qui peuvent se combiner : celui de la guerre civile, celui de la dictature militaire, celui des Frères musulmans... mais il y a aussi ce que nous souhaitons ardemment, la possibilité d'une avancée démocratique.

Un jour, un pouvoir se constituera, un gouvernement ressurgira. Mais, quel qu'il soit, il se trouvera confronté au même problème, encore aggravé : celui du déséquilibre entre une population égyptienne très nombreuse, en croissance, et l'économie insuffisante du pays, à quoi s'ajoute la mauvaise et injuste répartition des richesses.

2,5 milliards de dollars sont versés par l'aide américaine, autant de la part de l'Union européenne. Six milliards sont produits par le canal de Suez, cinq milliards par le gaz, douze milliards par le tourisme, etc. Mais cela ne suffit pas à établir les équilibres nécessaires, d'autant plus que des tensions fortes opposent différentes composantes du peuple égyptien. Les difficultés des coptes en sont l'exemple le plus parlant, ainsi que la misère d'un très grand nombre, ce qui fait le jeu des Frères musulmans.

La crise était redoutée depuis les années 1960, car la démographie continuait à galoper. On craignait, à cause de cela, la déstabilisation du plus grand État du Moyen-Orient qui atteint, aujourd'hui, 83 millions d'habitants. Compte tenu de tous ses problèmes, il sera encore, pour longtemps, source de difficultés et d'inquiétudes, non seulement pour la population égyptienne et pour les pays avoisinants, mais aussi pour tout l'Occident, sans oublier que la globalisation fait retentir, dans le monde, ce qui est peut-être en train de devenir soit un drame aux conséquences imprévisibles, soit une authentique espérance.



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