Le ministère des Affaires étrangères a demandé à des chercheurs français présents en Egypte de ne pas s’exprimer sur la crise politique dans le pays. De quoi relancer la polémique sur l’utilisation abusive de "l’obligation de réserve" par l’administration.
Informer le public, une fonction statutaire pour les chercheurs
Pourtant, en mêlant la question de la sécurité à celle de l’obligation de réserve, le gouvernement risque de s’attirer les foudres de la communauté scientifique. "Les questions de sécurité doivent être traitées sur un plan différent et il ne faut pas les mélanger avec celles de l’obligation de réserve", pointe Luis González-Mestres, chercheur au CNRS et membre du collectif “Indépendance des chercheurs” joint par leJDD.fr . L’obligation de réserve, telle qu’énoncée par la Direction générale de l’administration et de la fonction publique, "interdit au fonctionnaire de faire de sa fonction l’instrument d’une propagande quelconque". Pour Luis González-Mestres, la définition ne peut s’appliquer aux cas des chercheurs en Egypte. "Les fonctions statutaires des chercheurs comprennent l’information scientifique du public, rappelle ce physicien. Lorsqu’il y a une crise quelque part dans le monde et que les pouvoirs publics disposent d’établissements de recherche qui peuvent informer l’opinion publique de manière objective, il est normal que les chercheurs puissent s’exprimer. C’est leur rôle et c’est leur mission. Ça n’a rien à voir avec l’obligation de réserve!"Pourtant, pour Bernard Valero, cité par Mediapart, " un agent de l'Etat français n'a pas à faire de déclaration publique à l'étranger sur la vie intérieure d'un pays, qu'on soit chercheur, professeur ou encore volontaire international". Mais selon Luis González-Mestres, "il y a toujours eu une certaine tendance à vouloir opposer l’obligation de réserve aux fonctionnaires dans les situations un peu litigieuses". L’illustration la plus récente est l’affaire du gendarme Matelly, radié de la gendarmerie pour des propos critiques sur la politique du gouvernement et finalement réintégré après une décision du Conseil d’Etat.
L’obligation de réserve, un moyen de faire respecter une ligne politique dans l’administration? Sans aller jusque-là, Luis González-Mestres estime qu’il ne faut pas oublier que "l’obligation de réserve est beaucoup plus forte pour les gens haut placés". "Les chercheurs n’en sont pas, tranche-t-il. Il ne faut pas exagérer.” Reste que les chercheurs fonctionnaires qui travaillent en Egypte ont intérêt à se tenir cois. Après avoir reçu un appel de l’ambassade, Marc Lavergne a décidé de répondre tout de même aux questions de France 24. Le lendemain, c’est l’ambassadeur lui-même qui lui téléphonait, pour le rappeler à l’ordre.
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