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samedi 5 février 2011

Egypte: Quand le Quai d’Orsay fait taire les chercheurs

Le ministère des Affaires étrangères a demandé à des chercheurs français présents en Egypte de ne pas s’exprimer sur la crise politique dans le pays. De quoi relancer la polémique sur l’utilisation abusive de "l’obligation de réserve" par l’administration. 

Peu avant de répondre aux questions des journalistes de France 24 sur la situation en Egypte lundi dernier, Marc Lavergne, directeur du Centre d'études et de documentation économiques, juridiques et sociales (Cedej) du Caire, a reçu un appel de l’ambassade de France en Egypte. Selon Mediapart, qui révèle l’affaire, il a été demandé à ce géographe de garder le silence. Le Quai d’Orsay a officiellement reconnu avoir demandé aux chercheurs de respecter leur "obligation de réserve" alors que les violences persistent dans le pays. En outre, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Bernard Valero, indique: "La deuxième raison, c'est que compte tenu du contexte en Egypte, pour des raisons de sécurité, il y a eu une recommandation de l'ambassade de dire n'en faisons pas trop, n'apparaissez pas trop publiquement. Si vous rentrez en France, vous pouvez vous exprimer, mais là, il faut faire attention."

Informer le public, une fonction statutaire pour les chercheurs

Pourtant, en mêlant la question de la sécurité à celle de l’obligation de réserve, le gouvernement risque de s’attirer les foudres de la communauté scientifique. "Les questions de sécurité doivent être traitées sur un plan différent et il ne faut pas les mélanger avec celles de l’obligation de réserve", pointe Luis González-Mestres, chercheur au CNRS et membre du collectif “Indépendance des chercheurs” joint par leJDD.fr . L’obligation de réserve, telle qu’énoncée par la Direction générale de l’administration et de la fonction publique, "interdit au fonctionnaire de faire de sa fonction l’instrument d’une propagande quelconque". Pour Luis González-Mestres, la définition ne peut s’appliquer aux cas des chercheurs en Egypte. "Les fonctions statutaires des chercheurs comprennent l’information scientifique du public, rappelle ce physicien. Lorsqu’il y a une crise quelque part dans le monde et que les pouvoirs publics disposent d’établissements de recherche qui peuvent informer l’opinion publique de manière objective, il est normal que les chercheurs puissent s’exprimer. C’est leur rôle et c’est leur mission. Ça n’a rien à voir avec l’obligation de réserve!"
Pourtant, pour Bernard Valero, cité par Mediapart, " un agent de l'Etat français n'a pas à faire de déclaration publique à l'étranger sur la vie intérieure d'un pays, qu'on soit chercheur, professeur ou encore volontaire international". Mais selon Luis González-Mestres, "il y a toujours eu une certaine tendance à vouloir opposer l’obligation de réserve aux fonctionnaires dans les situations un peu litigieuses". L’illustration la plus récente est l’affaire du gendarme Matelly, radié de la gendarmerie pour des propos critiques sur la politique du gouvernement et finalement réintégré après une décision du Conseil d’Etat.
L’obligation de réserve, un moyen de faire respecter une ligne politique dans l’administration? Sans aller jusque-là, Luis González-Mestres estime qu’il ne faut pas oublier que "l’obligation de réserve est beaucoup plus forte pour les gens haut placés". "Les chercheurs n’en sont pas, tranche-t-il. Il ne faut pas exagérer.” Reste que les chercheurs fonctionnaires qui travaillent en Egypte ont intérêt à se tenir cois. Après avoir reçu un appel de l’ambassade, Marc Lavergne a décidé de répondre tout de même aux questions de France 24. Le lendemain, c’est l’ambassadeur lui-même qui lui téléphonait, pour le rappeler à l’ordre.

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