TOUT EST DIT

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samedi 5 février 2011

Temps additionnel

C’est comme une image arrêtée. Le déroulement du film égyptien s’est mis en pause hier. Imprévisible, son scénario ne ressemble décidément à aucun autre, déjouant calculs et spéculations de toutes sortes. Au moment où on redoutait un embrasement des passions, une glissade incontrôlable vers le chaos, une sorte de course à l’abîme, la tension est redescendue d’un cran, presque miraculeusement. Les manifestations ont retrouvé le visage relativement tranquille des premiers jours et le spectre d’une guerre civile entre les pro et les anti-Moubarak a tout à coup reculé pour s’évanouir dans les rues du Caire.

Le pire qu’on croyait sûr jeudi soir ne s’est finalement pas produit. Le meilleur, non plus: la situation n’est toujours pas clarifiée. «Le jour du départ» n’a pas été le dernier du président à la tête de l’Égypte, comme l’avait imprudemment programmé ses adversaires. Hosni Moubarak a résisté à ce vendredi 4 février qu’on lui annonçait fatal. Mais est-ce pour autant une victoire contre un destin programmé? Rien n’est moins sûr.

En dépit des centaines de milliers de personnes qui s’étaient rassemblées place Tahrir, l’essentiel hier ne s’est pas passé dans la rue, mais en coulisses. L’Amérique a clairement choisi son camp et en soutenant à l’unanimité la position de la Maison Blanche, le Sénat a donné à la stratégie de Barack Obama une légitimité et une force considérables. La question n’est désormais plus de se demander si Moubarak partira, mais quand et comment. Tout le monde a désormais intérêt à un effacement bien négocié et le plus en douceur possible. Le peuple attendra...

De cette sortie de crise, selon qu’elle sera réussie ou non, dépend l’image des États-Unis au Moyen-Orient, et leur capacité à peser sur le destin de cette région du monde. Obama l’a parfaitement compris et pris tous les risques en conséquence. La chute de la maison Moubarak pourrait mettre la puissance américaine en opposition frontale avec l’Iran, qui a marqué son territoire en appelant de ses vœux la constitution d’une république islamique sur les anciennes terres des pharaons. Sinistre avertissement qui indique comment la liberté chèrement conquise pourrait être récupérée par les intégristes des Frères musulmans.

Rien ne semble encore joué mais le président égyptien est particulièrement isolé désormais. L’armée a clairement pris ses distances avec lui en refusant de réprimer violemment les anti-Moubarak. Comme pour préserver l’avenir? Les chancelleries occidentales, elles, traînent la patte, comme si elles voulaient attendre encore avant de prendre plus clairement position, mais on sent bien qu’elles travaillent déjà à l’après Moubarak. Le temps additionnel a commencé, mais le match est sans doute déjà joué.


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