TOUT EST DIT

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vendredi 7 janvier 2011

La maladie commémorative

En novembre, c’étaient les émissions et les numéros spéciaux pour les 30 ans de la mort de De Gaulle. Cette fois ce sont les 15 ans de la mort de Mitterrand et le premier anniversaire de celle de Séguin. Avouons qu’il y a une sorte de maladie française de la commémoration.
François Fillon à un colloque sur Philippe Séguin, vendredi 7 janvier, à l’occasion du premier anniversaire de sa mort. Ségolène Royal et Martine Aubry ensemble sur la tombe de François Mitterrand, samedi 8 janvier à Jarnac, pour le quinzième anniversaire de sa mort. Avouons qu’il y a une sorte de maladie française de la commémoration.

En novembre, c’étaient les émissions et les numéros spéciaux pour les 30 ans de la mort de De Gaulle. Cette fois ce sont les 15 ans de la mort de Mitterrand et le premier anniversaire de celle de Séguin. Ça ne vaut pas seulement d’ailleurs pour les personnalités politiques. Combien d’émissions marquant de la même manière l’anniversaire de la mort de Claude François ou d’autres.

On peut se moquer de cette propension à la commémoration. Mais après tout, on peut se réjouir aussi de notre besoin de ne pas oublier notre passé récent, de constater que chaque jour de l’aventure humaine n’est pas une page blanche. Même si ce regard dans le rétroviseur recèle une part de nostalgie d’un passé idéalisé. Car, et on le voit à propos de Mitterrand et Séguin, la mémoire se fait sélective et se transforme en exercice de canonisation laïque.

François Mitterrand ? Il est loin le temps où ses héritiers avaient le courage de revendiquer un droit d’inventaire. Qu’il ait compté pour la gauche et marqué la France, c’est incontestable. Mais ce n’est pas blasphémer que de rappeler un parcours idéologique guère rectiligne, une proximité douteuse avec Vichy, une position critiquable sur la guerre d’Algérie, un premier quinquennat catastrophique sur le plan économique, un second marqué par les affaires ou la cécité sur la fin du bloc communiste. Saluer un personnage romanesque et l’homme qui a apporté la victoire à la gauche n’interdit pas la lucidité même post-mortem.

Il en va de même pour Philippe Séguin dont on rappelle à juste titre l’exigence du discours, le sens de l’Etat. Mais ceci ne doit pas faire oublier des attitudes parfois plus velléitaires ou des décisions, on va dire, étonnantes comme son départ du RPR en pleine campagne européenne. Je ne fais pas le procès de ces illustres défunts. Mais comprendre leur exemple, en tirer des leçons ce n’est pas forcément faire le tri au risque de farder la vérité.

Malgré tout, que nous disent ces hommages à François Mitterrand et Philippe Séguin sur la vie politique d’aujourd’hui ? Le souvenir de François Mitterrand, c’est pour la gauche la nostalgie de la victoire bien sûr. N’oublions pas que le PS n’a pas gagné une présidentielle depuis 1988. Et pour la droite, c’est peut-être aussi la nostalgie d’un exercice plus monarchique de la fonction présidentielle.

Philippe Séguin, lui, c’est la nostalgie d’une époque où les dirigeants politiques avaient une densité, fut-ce au prix d’une rugosité de caractère, une culture politique et un sens de l’Etat qui se sont un peu perdus.

Et puis François Mitterrand comme Philippe Séguin, c’étaient deux tribuns, deux hommes qui croyaient encore à la capacité de la politique à infléchir le cours des choses, deux hommes qui donnaient du poids et du sens aux mots. Et ça, à l’heure du langage SMS, cela a de quoi nourrir une légitime nostalgie.

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