TOUT EST DIT

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vendredi 3 décembre 2010

Situation bloquée à Abidjan


Une élection ne fait pas la démocratie. Les exemples pullulent, et le continent africain en a une longue expérience. Mais elle peut marquer un tournant. C'est ce qui est en train de se jouer, en ce moment-même, à Abidjan. Depuis dimanche, on attendait le résultat du second tour de l'élection présidentielle opposant le sortant, Laurent Gbagbo, à son principal rival, Alassane Ouattara. Quatre jours d'attente et la crainte du pire. Car, malgré une mobilisation sans précédent des électeurs, malgré la présence de Casques bleus de l'Onu et d'observateurs indépendants, malgré la surveillance mutuelle des deux camps tout au long de la procédure de dépouillement des bulletins de votes, l'interruption du processus électoral menace toujours.


Le blocage au sein de la Commission électorale a été total. La nouvelle de la mort de huit militants du camp Ouattara a même fait craindre, hier, un nouveau coup d'État, le basculement dans la guerre civile. En fin de journée, un résultat a enfin été annoncé. Il couronne Ouattara l'opposant, de façon assez nette, mais il est contesté par le camp Gbagbo et le Conseil constitutionnel.


Dans une démocratie rodée, on parlerait d'une alternance difficilement conquise. Dans le cas ivoirien, c'est l'installation même d'un fonctionnement démocratique qui est en jeu, pour une population désireuse de tourner enfin la page de dix ans de conflits.


Car jamais depuis la mort de Félix Houphouët-Boigny, en 1993, le pays n'a pu mener à terme la transition démocratique pourtant souhaitée par des millions d'Ivoiriens. Longtemps exemple de stabilité, le pays a plongé peu à peu dans les guerres de succession. Laurent Gbagbo, ancien opposant au père de la nation, ne devait son arrivée à la présidence qu'au coup d'État de 1999 et à une élection tronquée en 2000. Depuis, le pays a vu s'enchaîner mutineries et soulèvements militaires, sur fond de tensions ethniques, en sommeil depuis l'Indépendance, en 1960.


En 2002, un début de guerre civile a fait craindre une partition radicale du territoire entre un Nord acquis à la cause d'Ouattara et une moitié sud du pays loyale à Gbagbo. Héritiers de la période Houphouët, ni Gbagbo ni Ouattara n'ont pu, jusqu'ici, acquérir une légitimité nationale. L'un, Gbagbo, parce qu'il a toujours été accusé de dérive autocratique. L'autre, Ouattara, parce que le camp adverse lui reproche d'avoir soufflé sur les braises de la rébellion armée en 2002.


Tout, en fait, sépare ces deux hommes. L'un, Gbagbo, par son passé syndical, a une fibre plus socialiste et joue volontiers de la corde nationaliste. L'autre, Ouattara, économiste formé aux États-Unis et ancien haut fonctionnaire du FMI, a été le dernier Premier ministre d'Houphouët. Durant la campagne électorale, la compétition entre les deux hommes a flirté en permanence avec le risque d'un embrasement violent. Plaçant le pays sur le fil du rasoir : la France observe avec appréhension, mais le violent sentiment antifrançais des années 2002-2004 la rend discrète. Environ quatorze mille de nos compatriotes résident actuellement en Côte d'Ivoire.


La présence sur le territoire de nombreuses milices et le risque réel de dérapages ethniques préoccupent la communauté internationale. Hier, le Conseil de sécurité des Nations unies a annoncé être prêt à prendre toutes les mesures contre quiconque bloquerait le processus électoral. La paix ne tient, en fait, qu'à un fil, la parole du vaincu. La plus dure à dire.

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