mardi 9 novembre 2010
Tous fraudeurs
Nul ne s'en plaindra : le sport national consistant à frauder la Sécurité sociale devient difficile à pratiquer. Révélés par les auditions de la mission de contrôle de l'Assemblée nationale, les progrès spectaculaires accomplis dans la chasse aux délits, abus ou erreurs mettent fin à une triste exception. Longtemps, en effet, la resquille aux prestations sociales a fait l'objet d'une mansuétude sans autre égale que l'indulgence accordée à la fraude fiscale. Seuls les ressorts de cette tolérance diffèrent.
Dans le cas du fisc, elle vient de notre vieil individualisme, rétif à la légitimité de l'impôt collectif. Dans le cas de la « Sécu », elle découle de cette profonde culture de justice qui pousse encore à confondre police sociale et « chasse aux pauvres ». Cette réprobation, qui fut un frein à cette lutte contre la fraude, n'est pas sans fondement.
Car, par nature, hormis quelques gredins percevant le RMI et roulant en Porsche, les principales victimes des contrôles effectués par les caisses d'assurance-maladie, d'allocations familiales et de retraite sont des assurés aux revenus modestes, parfois si faibles qu'eux ne peuvent joindre les deux bouts qu'en se déclarant, par exemple, parents isolés alors qu'ils vivent en couple.
Cependant, l'idée d'une clémence de nécessité, que justifierait la crise économique, doit être combattue : c'est bien en détectant et en réprimant les fraudes que la Sécurité sociale défend les cotisations de Français, non moins modestes, qui se font un devoir de respecter les règles. Au moins, l'état des comptes sociaux a-t-il ce mérite de rendre moins acceptable aujourd'hui qu'hier le comportement de ceux qui maraudent quelque droit indu. Ce n'est pas un fait du hasard si, depuis quatre à cinq ans, la lutte contre la fraude s'est intensifiée comme jamais, jusqu'à ramener 400 millions d'euros l'an.
C'est bien peu en regard d'un déficit annuel de 20 milliards d'euros ? Sans doute. L'essentiel est d'habituer les esprits à considérer que les prestations sociales ne sont ni des dû supérieurs, ni des droits acquis, mais bien des contreparties précieuses, fragiles et révisables. Traquer la fraude participe de la responsabilisation des assurés sociaux.
Beaucoup reste à faire tant sont fortes ces lois de l'habitude qui banalisent, par exemple, l'arrêt pour grossesse pathologique. Tous fraudeurs ? Pas tous coupables : la complexité toujours croissante de la réglementation sociale « pousse au crime », comme en atteste le niveau anormalement élevé des fraudes au RSA, l'ex-RMI. La simplification reste, là aussi, la meilleure alliée de l'honnêteté.
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