Le rapport qui vient d'être remis au Sénat pour réguler la pratique des sondages arrive à point nommé. La manie sondagière, particulièrement marquée en France, est amplifiée par la combinaison de l'audiovisuel et d'Internet : sans cesse, des chaînes de télévision, des partis, des groupes d'intérêt demandent au public de se prononcer, via le Web, sur toutes sortes de questions, ce foisonnement de mini-scrutins donnant une impression trompeuse d'« hyperdémocratie ». Les enquêtes réalisées par les instituts professionnels, tenus de respecter certaines règles, sont certes plus fiables -à condition de savoir que leurs résultats sortent d'une « chaîne de fabrication » dont chaque étape comporte un risque d'erreur. D'abord, en amont, le libellé des questions : les rédiger sous une forme neutre, qui ne suggère pas en elle-même la réponse, est un exercice parfois impossible, parce que certains mots ont une connotation indélébile. Autre aléa, le moment de l'enquête : le résultat ne sera pas le même selon qu'elle se déroule en pleine crise ou à froid, la tension passée. De même, à propos des intentions de vote, l'état d'esprit du sondé, qui peut exprimer une réaction épidermique différente du choix qu'il fera dans l'isoloir. Vient ensuite l'élaboration des chiffres : comme les personnes ayant accepté de répondre ne constituent jamais un « échantillon représentatif » de la population (par âges, régions, niveaux de revenu, etc.), les instituts procèdent à des « redressements ». Selon quelle méthode ? Mystère : chaque institut a la sienne, qu'il garantit « scientifique », mais qu'il refuse de dévoiler, même à la Commission des sondages, respectable institution créée en 1977. Curieuse attitude : la méthode scientifique n'implique-t-elle pas que le chercheur qui présente un résultat expose en même temps les conditions de l'expérience ? La loi qui devrait suivre le rapport remis au Sénat n'effacera pas toutes ces incertitudes, mais elle rendra sans doute plus nette, en matière de sondages, la frontière entre l'« à peu près » et le « n'importe quoi ».
mardi 9 novembre 2010
La boîte noire des sondages
Le rapport qui vient d'être remis au Sénat pour réguler la pratique des sondages arrive à point nommé. La manie sondagière, particulièrement marquée en France, est amplifiée par la combinaison de l'audiovisuel et d'Internet : sans cesse, des chaînes de télévision, des partis, des groupes d'intérêt demandent au public de se prononcer, via le Web, sur toutes sortes de questions, ce foisonnement de mini-scrutins donnant une impression trompeuse d'« hyperdémocratie ». Les enquêtes réalisées par les instituts professionnels, tenus de respecter certaines règles, sont certes plus fiables -à condition de savoir que leurs résultats sortent d'une « chaîne de fabrication » dont chaque étape comporte un risque d'erreur. D'abord, en amont, le libellé des questions : les rédiger sous une forme neutre, qui ne suggère pas en elle-même la réponse, est un exercice parfois impossible, parce que certains mots ont une connotation indélébile. Autre aléa, le moment de l'enquête : le résultat ne sera pas le même selon qu'elle se déroule en pleine crise ou à froid, la tension passée. De même, à propos des intentions de vote, l'état d'esprit du sondé, qui peut exprimer une réaction épidermique différente du choix qu'il fera dans l'isoloir. Vient ensuite l'élaboration des chiffres : comme les personnes ayant accepté de répondre ne constituent jamais un « échantillon représentatif » de la population (par âges, régions, niveaux de revenu, etc.), les instituts procèdent à des « redressements ». Selon quelle méthode ? Mystère : chaque institut a la sienne, qu'il garantit « scientifique », mais qu'il refuse de dévoiler, même à la Commission des sondages, respectable institution créée en 1977. Curieuse attitude : la méthode scientifique n'implique-t-elle pas que le chercheur qui présente un résultat expose en même temps les conditions de l'expérience ? La loi qui devrait suivre le rapport remis au Sénat n'effacera pas toutes ces incertitudes, mais elle rendra sans doute plus nette, en matière de sondages, la frontière entre l'« à peu près » et le « n'importe quoi ».
Le rapport qui vient d'être remis au Sénat pour réguler la pratique des sondages arrive à point nommé. La manie sondagière, particulièrement marquée en France, est amplifiée par la combinaison de l'audiovisuel et d'Internet : sans cesse, des chaînes de télévision, des partis, des groupes d'intérêt demandent au public de se prononcer, via le Web, sur toutes sortes de questions, ce foisonnement de mini-scrutins donnant une impression trompeuse d'« hyperdémocratie ». Les enquêtes réalisées par les instituts professionnels, tenus de respecter certaines règles, sont certes plus fiables -à condition de savoir que leurs résultats sortent d'une « chaîne de fabrication » dont chaque étape comporte un risque d'erreur. D'abord, en amont, le libellé des questions : les rédiger sous une forme neutre, qui ne suggère pas en elle-même la réponse, est un exercice parfois impossible, parce que certains mots ont une connotation indélébile. Autre aléa, le moment de l'enquête : le résultat ne sera pas le même selon qu'elle se déroule en pleine crise ou à froid, la tension passée. De même, à propos des intentions de vote, l'état d'esprit du sondé, qui peut exprimer une réaction épidermique différente du choix qu'il fera dans l'isoloir. Vient ensuite l'élaboration des chiffres : comme les personnes ayant accepté de répondre ne constituent jamais un « échantillon représentatif » de la population (par âges, régions, niveaux de revenu, etc.), les instituts procèdent à des « redressements ». Selon quelle méthode ? Mystère : chaque institut a la sienne, qu'il garantit « scientifique », mais qu'il refuse de dévoiler, même à la Commission des sondages, respectable institution créée en 1977. Curieuse attitude : la méthode scientifique n'implique-t-elle pas que le chercheur qui présente un résultat expose en même temps les conditions de l'expérience ? La loi qui devrait suivre le rapport remis au Sénat n'effacera pas toutes ces incertitudes, mais elle rendra sans doute plus nette, en matière de sondages, la frontière entre l'« à peu près » et le « n'importe quoi ».
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