TOUT EST DIT

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mardi 23 novembre 2010

«Tant que Grèce, Irlande et Portugal ne seront pas sous perfusion, il y aura de l'instabilité sur les marchés»

Bruno Cavalier, chef économiste chez Oddo Securities, souligne que les marchés voient la facture enfler. Or, ils ne savent pas jusqu'à quel point elle va enfler.
 La réaction des marchés au sauvetage de l'Irlande apparaît très prudente, voire sceptique. Pour quelle raison ? 

On parle de ce sauvetage depuis une semaine, les marchés se doutaient que cela allait arriver assez rapidement. Il n'y a donc pas eu d'effet de surprise. Ce sauvetage est aussi la révélation que le trou est encore plus abyssal qu'on ne le craignait du côté des banques irlandaises. Les marchés voient la facture enfler, et ils ne savent pas jusqu'à quel point elle va enfler. On parle de montants gigantesques pour l'Irlande. 80 milliards d'euros, c'est la moitié de son PIB. Peut-on vraiment s'enthousiasmer sur le fait qu'on rajoute 50 % de sa richesse intérieure en besoins de financement pour un Etat ? Enfin, il y a toutes les questions qui suivent : comment va se mettre en place cette aide en pratique ? Est-ce que tout va bien se dérouler ? Et puis surtout : qui après l'Irlande ?

Le Portugal semble désormais dans le collimateur des marchés…

Les problèmes du Portugal sont assez différents de ceux de l'Irlande. Les banques portugaises, contrairement aux irlandaises, ne sont pas exposées au risque de fuite des dépôts par des non-résidents. Les problèmes du Portugal, c'est la grande fragilité de son économie, son manque de compétitivité évident et les scléroses de son marché du travail. Le pays va par ailleurs devoir faire face l'an prochain à de grosses tombées de dette. Dès le premier semestre, en avril et en juin, il va devoir lever des fonds simplement pour rembourser d'importantes échéances. Avec le risque que les marchés se ferment et qu'il soit contraint de chercher des fonds à l'extérieur. Tant que les trois « petits » pays européens, Grèce, Irlande et Portugal, ne seront pas sous perfusion, il y aura de l'instabilité sur les marchés.

Et si l'Espagne devait à son tour appeler à l'aide ?

Alors là, on change complètement de scénario. Le PIB espagnol est de 6 à 7 fois supérieur à celui de l'Irlande. Si l'Espagne ne peut plus accéder à des conditions normales de financement sur les marchés, ce n'est pas le Fonds de stabilité européen qui pourra rassurer. Aucun mécanisme d'assistance ne serait assez puissant pour éviter une restructuration ou un rééchelonnement de sa dette. Et l'onde de choc serait alors colossale. Mais cela ne me semble pas d'actualité. L'Espagne a abordé la crise avec des dettes moins élevées. Ses caisses d'épargne sont en mauvaise santé, mais les grandes banques sont solides. Le pays reste solvable et son accès au marché se fait à des conditions beaucoup plus avantageuses que celles des « petits » pays. Il faudrait vraiment de très mauvaises surprises sur l'état d'avancement de la réduction de son déficit public ou l'évolution du marché immobilier pour que cela change.

Les marchés pourront-ils se stabiliser tant qu'ils n'en sauront pas plus sur les mécanismes d'intervention après 2013 ?

Il est certain que la réflexion lancée fin octobre à ce sujet a créé davantage de tension que d'apaisement. La principale incertitude est de savoir de quelle manière on mettra à contribution les investisseurs privés en cas de nouvelles interventions. Sur le fond, il n'était pas critiquable de réfléchir à 2013 et au-delà. Mais, avant de mettre le sujet sur la table, il aurait mieux valu que le projet soit déjà ficelé. Il y a eu en outre une erreur de timing évidente. Quelques clarifications ont été apportées depuis : on sait que cela ne concernera pas les dettes passées mais uniquement les dettes futures. Quand on y verra plus clair, ce sera sans doute un facteur d'apaisement.

Comment va évoluer l'euro ?

Je continue de penser que l'euro est surévalué. D'abord, c'est la devise d'une zone monétaire qui est en grande difficulté : on va tester un mécanisme qui préserve de l'éclatement, mais c'est bien la preuve qu'on a de gros problèmes de contrôle budgétaire. Ensuite, la conséquence de ces problèmes de dettes publique et privée, c'est l'extension des plans d'austérité, qui n'est pas franchement positive pour la croissance. Enfin, le différentiel de politique monétaire, qui était à l'avantage de l'Europe contre les Etats-Unis avant l'été, apparaît désormais plutôt « neutre » : aucune des deux banques centrales ne devrait resserrer sa politique monétaire l'année prochaine. Tout cela mis bout à bout, la tendance devrait rester baissière pour l'euro.

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