TOUT EST DIT

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mardi 23 novembre 2010

L'Irlande, c'est pire que la Grèce !

L'Irlande marchet-elle vraiment dans les pas de la Grèce ? A première vue, leurs histoires sont assez voisines. Dans la crise qui secoue le monde depuis 2008, la république celtique est le deuxième pays de la zone euro à venir réclamer l'aide conjointe de la Commission européenne et du FMI pour sauver ses finances en péril, après la République hellénique. Les deux pays sont « périphériques », aux bordures de l'Union. Dans leur forte croissance des années 2000, avec des salaires au galop (de 5 à 6 % d'augmentation par an contre 2 % en moyenne dans la zone euro), ils ont accumulé les excès. Il leur faut donc à chacun une centaine de milliards d'euros pour se remettre à flot. Pour l'Europe, les deux épisodes auraient la même signification : il faut mieux surveiller, mieux sanctionner.
Sauf que… les histoires sont bien différentes. Il faut donc en tirer des leçons elles aussi différentes. Les deux pays sont en réalité très éloignés, et pas seulement sur le plan géographique. Economiquement, Athènes est tournée vers la Méditerranée, avec sa tradition de finances publiques prodigues. Dublin regarde vers le Royaume-Uni et sa fascination pour la finance privée. Avant la crise, l'Irlande était en excédent budgétaire (3 % du PIB de surplus en 2006, avec une dette limitée à 25 % du PIB) tandis que la Grèce n'a jamais approché l'équilibre (le moins mauvais chiffre étant 4 % de déficit en 2006, avec une dette flirtant déjà avec les 100 %).
Les événements de ces derniers mois reflètent ces divergences. Avec trois différences majeures. D'abord, la Grèce vit une crise de la finance publique, l'Irlande une crise de la finance privée. Athènes a laissé filer les dépenses de l'Etat à la française, puis aggravé son cas en dissimulant la réalité. Dublin a laissé les banques faire n'importe quoi, à l'anglaise. Bien sûr, le gouvernement irlandais a dû nationaliser les établissements en difficulté. La crise est alors de facto devenue publique (avec un déficit public hallucinant de… 32 % du PIB cette année) et Dublin a cyniquement poussé les banques à solliciter massivement les fonds de la BCE. Mais l'origine de la crise irlandaise est bien privée, alors qu'elle est publique en Grèce - où les banques ont encaissé le choc.
Cette différence de nature amène une deuxième différence, de comportement. Athènes a fait désespérément appel aux Européens, car il n'y avait plus d'argent dans les caisses pour rembourser les emprunteurs ou payer les fonctionnaires. A l'inverse, Dublin aurait pu tenir encore des mois car le gouvernement avait accumulé des noisettes pour passer l'hiver financier et ses banques pouvaient continuer de se refinancer auprès de la BCE. Mais la BCE en avait marre d'acheter des produits irlandais pourris et les autres pays redoutaient les effets de contagion - l'Espagne pour sa dette publique, le Royaume-Uni pour ses banques. Ce sont donc les pays européens qui ont poussé le gouvernement irlandais à accepter un plan d'aide pour sauver ses banques.
La troisième différence entre les deux pays est encore plus grande. L'un était considéré depuis longtemps comme un cancre alors que l'autre était le chouchou. La Grèce avait été admise dans l'Union européenne pour préserver sa démocratie, puis dans l'euro malgré ses mauvaises notes, seulement parce que c'était un pays qui semblait trop petit pour mettre en péril l'édifice monétaire. Sa crise a confirmé les principes européens : en union monétaire, il faut exercer une forte vigilance budgétaire. Il en va tout autrement avec l'Irlande. Elle était le parfait élève de l'Union. Exemplaire par beau temps : le pays avait su profiter des subventions versées par l'Union pour engendrer un boom économique. Exemplaire aussi dans la tempête, qui avait commencé ici dès la fin 2006 : le gouvernement a appliqué à la lettre le manuel des pays en difficulté, relevant massivement les impôts et taillant dans les dépenses publiques pour rééquilibrer ses comptes bien avant que Bruxelles ne tire la sonnette d'alarme. Or la crise irlandaise dépasse en ampleur la crise grecque ! Dublin a besoin d'autant d'argent qu'Athènes… pour un pays presque trois fois moins peuplé. Après la crise irlandaise, l'Europe va devoir revoir complètement ses critères d'évaluation d'une bonne politique économique. Et travailler avec l'idée que si la folie publique peut atteindre des sommets, le délire privé peut aller encore plus loin.

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