Fini le « miracle » irlandais ? Le « tigre celtique », qui exhibait ses muscles à la manière d'un dragon asiatique, dans les années 1990, à hauteur de 9 % de croissance annuelle, est à terre, paralysé par la dette de ses banques. Il narguait le continent de sa réussite insolente. Il accepte de tendre la sébile pour sauver sa peau... Et celle de ses nouveaux tuteurs. Est-ce la fin d'un modèle économique ? Sûrement. De la capacité de rebondir de l'Irlande ? Sans doute pas.
Il y a trente ans, le tigre n'avait que les os et la peau. Tout galopait dans le mauvais sens : la dette publique abyssale, l'inflation à deux chiffres, la pauvreté, le chômage... Seule l'Espagne faisait pire. Et puis, miracle, au milieu des années 1980 : l'Irlande découvre la potion magique, un cocktail étonnant de volontarisme étatique et de libéralisme débridé. Un zeste de vertu budgétaire, une pincée de salaires attrayants parce que faibles, une grosse poignée d'aides européennes et, surtout, un taux d'imposition très attractif (12,5 %) pour ne pas dire à la limite du dumping. C'est essentiellement avec la carotte de ce joker fiscal que Dublin a pu attirer les grands de l'informatique IBM, Intel, Compaq puis Microsoft et Google et de tous les secteurs technologiques de pointe : industrie pharmaceutique, services financiers...
C'est la réussite de ce modèle et de ses retombées sur l'emploi et le pouvoir d'achat, qui est aujourd'hui minée par trois virus. Les effets de la crise économique mondiale sont particulièrement sensibles pour un membre de l'eurozone tourné vers l'export et tout particulièrement les États-Unis. La montée en puissance de la concurrence des pays de l'Est et de la Chine va crescendo.
Mais il y a, plus fondamentalement, la déroute bancaire domestique. Euphorisées par le boom économique et le climat des affaires, dénuées de tout contrôle digne de ce nom, les banques se sont mises à prêter aveuglément dans les années 1990-2000 jusqu'à rendre l'économie outrancièrement dépendante du secteur de la construction. L'éclatement brutal de la bulle immobilière a sapé les fondements fragiles et artificiels de cette économie champignon.
Le tigre a un genou à terre, mais il a peut-être plus de ressources qu'on n'imagine pour se redresser. Outre la manne financière des institutions européennes et internationales (BCE, FMI), il bénéficie du soutien très remarqué de trois grandes capitales : Londres, Washington et Berlin. Autrement dit, trois pays déterminants de l'économie du monde ne sont pas du tout prêts à laisser tomber Dublin. Et pour cause : il y va de leurs intérêts économiques bien compris et d'abord de leurs banques, particulièrement exposées en Irlande... Je te tiens, tu me tiens par la barbichette !
Au-delà des vicissitudes conjoncturelles, l'Irlande conserve trois atouts maîtres dans la bataille économique mondiale :
Une capacité d'assainissement (d'austérité) budgétaire avérée, avec une réduction du revenu minimum, des indemnités de chômage, des allocations familiales...
Un terreau économique favorable. Le pays ne se paie pas de mots pour promouvoir l'éducation et la recherche. Il en a fait de vraies priorités dans la durée, il investit dans l'avenir.
Enfin, un atout fiscal dérogatoire qui fait de la résistance sous le rabot du FMI et de la BCE.
Dans le donnant, donnant avec ses généreux donateurs, le tigre n'a apparemment pas complètement baissé sa garde. Il y a du renard dans ce tigre.
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