L'identité nationale est un mythe aux échos nationalistes prompt à resurgir en période de crise et qui tend à flatter l'électorat d'extrême droite, estime l'anthropologue Régis Meyran, spécialiste de la question.
Le ministre de l'Immigration et de l'Identité nationale, Eric Besson, a lancé lundi un débat sur ce thème avec l'ambition de valoriser les valeurs républicaines et "la fierté d'être Français".
Selon Régis Meyran, chercheur à l'Ecole des hautes études en sciences sociales et auteur du "Mythe de l'identité nationale", ce terme est "très suspect" alors même que la question de savoir ce que c'est d'être Français aujourd'hui est "légitime".
"Le terme d'identité nationale me semble beaucoup moins légitime parce qu'il oriente le propos de manière beaucoup plus subjective, beaucoup plus idéologique, pour la bonne raison que c'est un terme qui a été introduit en France par Jean-Marie Le Pen dans les années 1980", a-t-il déclaré lundi à Reuters.
"C'est une rhétorique issue récemment du Front national mais qui s'inscrit dans la tradition du nationalisme français (...) et qui renvoie à une supposée authenticité des Français, en les renvoyant aux ancêtres, à la terre et à des symboles de la Nation comme la Marseillaise ou le drapeau."
Selon le chercheur, "parler de l'identité nationale revient au même que de parler de 'Français de souche', ça renvoie à une opposition entre les supposés vrais Français et les étrangers".
DISCOURS STRATÉGIQUE
Sur le fond, "je ne pense pas qu'il y ait une seule identité française", a-t-il poursuivi, "c'est un mythe, ça fait partie d'un récit national". "A l'inverse, il semble évident que nous sommes tous, en tant que citoyens de ce pays, traversés par différentes identités, mouvantes, et qui se mélangent."
Prié de dire pourquoi le sujet refait surface, Régis Meyran estime qu'"il ne faut pas négliger la partie stratégique de ce discours".
"J'y vois un appel du pied très clair à un électorat qui vote traditionnellement à l'extrême droite. C'est pour gagner des électeurs", explique-t-il.
Autre facteur, la crise économique qui favorise l'émergence des questions identitaires.
"On sait très bien, tous les historiens le disent, que quand ça va mal, en période de crise, il y a des questions identitaires qui surgissent avec le risque de tomber dans des crispations identitaires."
"Les poussées de racisme, d'antisémitisme, on sait très bien qu'elles interviennent à des moments de l'histoire de France très particuliers qui sont des moments de crise : l'affaire Dreyfus à la fin du XIXe siècle, les années 1930 avec les crises ministérielles et le krach boursier."
"Chaque nation se fonde sur des mythes, sur une certaine idée de la Nation", a-t-il souligné. Mais "en temps de crise, il y a une sorte de repli et un questionnement beaucoup plus fort avec, peut-être, des risques de dérive idéologique."
Lucien Libert, avec la contribution de Jean-Baptiste Vey, édité par Sophie Louet
mardi 3 novembre 2009
L'identité nationale, un mythe nationaliste, selon Régis Meyran
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