« On ne vous dit pas tout ! » Tel était le titre d'une célèbre chronique de Geneviève Tabouis, sur Radio Luxembourg. Elle y diffusait des indiscrétions le plus souvent anodines.
Aujourd'hui, c'est autre chose dont il s'agit, quand quelqu'un volant des fichiers informatiques divulgue, sur Internet, c'est-à-dire en direction du monde entier, les échanges intérieurs du gouvernement d'un grand État, en l'occurrence, les États-Unis.
Évidemment, cela fait mouche, tant est grande la soif de connaître les secrets, grands et petits, des uns et des autres. Ces divulgations sont reprises et colportées au nom de la transparence, que tout le monde souhaite, sauf en ce qui le concerne... On sait bien que la transparence absolue est impossible et peut être meurtrière. Chacun a son jardin secret et souhaite le garder inviolé. Personne ne dit à tout le monde toutes ses pensées, tous ses désirs, toutes ses craintes, car chacun sait combien alors il deviendrait vulnérable aux autres, à l'État et, pire, à l'État totalitaire.
Il en va de même pour les gouvernements et leur diplomatie. Les « révélations » du voleur de fichiers, si on les prenait au pied de la lettre, multiplieraient les crises entre les nations. De plus, elles sont diffusées comme étant authentiques alors que, semble-t-il, personne n'a disposé des moyens et pris le temps nécessaire pour les vérifier. C'est ainsi qu'on abuse la confiance du public.
Chacun sait, en effet, quel soin prennent les historiens, par exemple, et les analystes pour étudier les archives. Il faut les authentifier, les resituer dans le temps et les comparer à d'autres données. Les publications sur Internet, aussitôt reprises par la presse, sont réalisées sans que ce travail approfondi de vérification ait été effectué car on travaille désormais avec Internet en temps réel.
Cette immédiateté, qui n'est qu'une précipitation causée, parfois, par des raisons commerciales, ne peut que fausser les perspectives. On ne prend plus le recul nécessaire. On se trouve victime d'une sorte de grossissement, un peu comme le fait une loupe qui empêche le regard de voir plus globalement. Or, une vision large est nécessaire si l'on veut apprécier la nécessité de certaines révélations en vue de prévenir un danger ou une menace contre la démocratie par exemple. Encore faut-il aussi procéder aux vérifications indispensables.
Fragilité accrue
Tout cela ne calme nullement le désir très répandu d'en savoir toujours plus. Au contraire, cela l'exacerbe et la frustration comme le soupçon n'en sont que davantage accrus. D'autant plus que ce genre de révélations donne lieu à des batteries de démentis qui proviennent des personnes ou des États mis en cause. Dès lors, la confusion devient générale.
Mais il y a aussi cette sorte d'accusation implicite d'hypocrisie gouvernementale : les autorités garderaient ainsi leurs secrets pour s'en servir afin de mieux manipuler les peuples et les opinions. Mais où a-t-on jamais vu que, par exemple, un pays menacé militairement devrait annoncer d'avance obligatoirement sa stratégie de réplique ? Et si, l'ayant connu frauduleusement, elle est divulguée, le fraudeur n'a-t-il aucune responsabilité dans ce qui va advenir qui peut être lourd de dramatiques conséquences ?
De plus, chacun sait que les diplomates doivent pouvoir se parler en confiance s'ils veulent trouver des solutions aux problèmes dont ils sont chargés. Sans pourparlers secrets, de combien de jours, de mois serait allongé tel ou tel conflit, de combien de morts serait-il alourdi ? Et combien d'autres n'auraient jamais pu être évités ? La confidentialité est nécessaire aussi à la vie sociale et à la paix.
Il est, en outre, une grave question posée par cette gigantesque fuite. Comment les États, y compris les plus importants, peuvent-ils ainsi voir piller leurs archives ? Pire encore, les systèmes informatiques sont-ils sûrs dans tous les domaines ? Peut-on s'y fier, par exemple, en ce qui concerne les monnaies, les armements ?
De loin en loin, on nous parle du danger de détournement de nos cartes bancaires. Un jeune homme de 16 ans, à partir de son ordinateur, a pu pénétrer dans le fonctionnement du Pentagone. Des virus peuvent être lancés et tout bloquer. Or, le système international ne peut plus exister sans l'informatisation. Du coup la sécurité nucléaire, la paix mondiale ne sont-elles pas devenues plus fragiles encore ?
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