TOUT EST DIT

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mardi 3 novembre 2009

La fiscalité, encore et toujours.

C’est une constante dans l’histoire des hommes. L’idée de la démocratie s’est diffusée en Europe quand des sujets se sont inquiétés des dépenses du souverain. Vous voulez lever des impôts? Soit. Mais pour quoi faire? Et partout sur le vieux continent, c’est la question qui a dévoilé, puis nourri, la question philosophique de la liberté, puis celle de l’individualisme, son prolongement naturel.

Il est donc frappant de constater qu’aujourd’hui encore, dans la crise que connaissent les modèles de développement des sociétés occidentales, c’est la question de la fiscalité qui se trouve au premier plan des interrogations. Parce qu’il est complexe, composé de strates successives dont les pouvoirs ont trop longtemps négligés de questionner la pertinence, le système fiscal français alimente une spectaculaire série de contestations. La plus récente est celle des sénateurs, qui contestent la taxe professionnelle. Mais il ne faut pas oublier le bouclier fiscal, la taxation des bénéfices des banques, les avantages fiscaux des footballeurs, autant de thèmes à controverse au sein de la majorité durant ces dernières semaines.

Dans ce débat, il faut évoquer aussi les propos récurrents et abscons concernant ce que tout le monde appelle les « niches fiscales ». On en évalue le montant à 75 milliards d’euros et on regroupe sous ce terme générique tous les dispositifs susceptibles d’alléger la charge fiscale de tel ou tel contribuable. L’appellation même de « niches » est péjorative. Rien de hasardeux. Elle vise à disqualifier le dispositif, sans en analyser ni l’histoire, ni la pertinence, et résonne ainsi comme en écho à ce vieux principe issu du fond de nos âges qui pose comme un dogme l’égalité de tous dans la société face aux pouvoirs et aux puissances, et donc face à la fiscalité.

Il suffit de regarder deux secondes la réalité pour percevoir combien le mot de « niche » piège le débat et empêche la réflexion. Voilà vingt ans, un ministre de l’Outre mer a soigné sa clientèle en permettant une déduction massive pour les investisseurs des lointains territoires. Voilà bien le type de niches que tous s’accordent à supprimer. Sauf que la déduction n’est rien d’autre que la manifestation de l’incapacité de l’Etat a assumer la charge financière du développement de ces lointains territoires. Alors, il a fait reporter la charge sur les particuliers en les encourageant au moyen de la déduction fiscale. Les récents désordres, voire parfois les émeutes, en Guadeloupe et en Martinique montrent bien combien l’action publique a été et demeure insuffisante dans ces territoires.

Une autre « niche » a été construire pour venir en aide aux emplois ménagers. Le constat de départ était simple. Le poids des charges sociales dissuadait les ménages d’embaucher légalement des nounous, aides ménagères, ou autres personnes qui permettent par leur travail à domicile aux deux conjoints d’un ménage de travailler à l’extérieur. Pour être précis, le fort taux d’activité professionnelle des femmes en France est possible grâce à ce type d’emplois. C’est pour les légaliser, et donc réduire la part d’embauche clandestine, lourde de problèmes en terme de responsabilité lors d’un accident, que la puissance publique a allégé les charges de ces emplois et créé des incitations fiscales.

Les supprimer? La belle idée. Le travail au noir flamberait et ce serait par millions que les ménages, ceux des classes moyennes, entreraient dans l’illégalité. En fait, la « niche » fiscale liée à ces emplois n’est que le révélateur du coût trop élevé du travail, à cause notamment de l’assiette que celui ci représente pour financer la protection sociale. Ce qui était pertinent en période de de plein emploi ne l’est plus dans une situation de chômage de masse. Il faut noter que cette caractéristique de fort chômage est la réalité française depuis la fin des années soixante dix et que rien de fondamental n’a changé sur le sujet.

Les débats fiscaux sont donc passionnants parce qu’ils décrivent la réalité d’une société et figurent parmi les fondations de son organisation. Il est intéressant de noter que la fiscalité est aussi aujourd’hui l’arme principale de contestation du sarkozysme. Ce dernier peut sans doute se définir par son contenu. Il est aussi définissable par sa méthode. Toucher à tout, en même temps, à toute vitesse, sans proposer une vision d’ensemble, sans faire partage des buts, ce qui est le meilleur moyen de finir politiquement contre le mur.

La fiscalité et les débats qu’elle suscite disent enfin l’état d’une société, ses contradictions, sa lucidité, son courage. La multiplication des discussions et controverses sur le thème signalent le désordre structurel dans lequel nous vivons et le profond désarroi dans lequel nous nous trouvons. Impôts sur le revenu, TVA, CSG, CRDS et tant d’autres taxes ciblées se chevauchent et se contredisent, forment un système opaque et décourageant, rendu encore plus dérisoire par la multiplications des dérogations opérées au fil des ans.

On rêve de voir un jour un responsable politique capable de faire partager calmement à la Nation la nécessité de tout mettre à plat, de tout changer, de tout reconstruire. L’histoire, à l’inverse, enseigne que cela n’a été possible que par la violence et dans le paroxysme. C’est par là qu’elle est un éternel recommencement. Mais le recommencement est-il vraiment une fatalité?

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