vendredi 14 janvier 2011
L'étreinte des marchés
Après la mise à l'écart, l'an dernier, de deux Etats de la zone euro du marché international des capitaux, les regards se sont naturellement portés en ce début d'année sur le Portugal et l'Espagne. Leur tour serait-il venu de rejoindre la Grèce et l'Irlande sur le banc des exclus ? Les deux viennent de procéder avec succès à des levées de fonds, suscitant un soulagement en Europe.
Bonne nouvelle ? Voire. Le soulagement est trompeur, il risque d'être de courte durée et c'est bien pourquoi l'Europe s'apprête à augmenter massivement les capacités de son fonds de soutien aux Etats. Le Portugal a certes séduit les investisseurs, mais en offrant un taux d'intérêt de 6,70 % sur dix ans. Il ne faut pas se tromper. A ces conditions, l'étreinte des marchés, ou si l'on préfère des investisseurs chinois, japonais ou autres, est synonyme de lente asphyxie. Elle accroît, comme un poison qui tue lentement, la ponction sur les forces vives de l'économie. Pour un pays dont les perspectives de croissance nominale sont voisines de zéro, ce taux rend inéluctable, à terme, une restructuration de sa dette. Inévitablement, celle-ci finira en effet par devenir aussi insoutenable qu'en Grèce ou en Irlande, des pays dont la dette devra sans doute être restructurée dans les mois à venir même si personne, aujourd'hui, n'ose le reconnaître.
Le cas de l'Espagne est moins dramatique, mais, là encore, le prix payé pour l'accès au marché des capitaux est élevé : le Trésor espagnol a dû s'endetter à plus de 4,5 % sur cinq ans contre 3,5 % deux mois plus tôt ! Ce bond illustre la dégradation de la confiance des investisseurs à l'égard d'un pays qui a beaucoup perdu en compétitivité ces dernières années.
Après une année 2010 marquée par l'embrasement de la zone euro, 2011 débute ainsi dans un calme trompeur. A la différence des crises de changes, brutales comme un infarctus, les crises de la dette sont des maladies de longue durée. Les Etats les plus fragiles s'enfoncent doucement mais sûrement dans la spirale de l'endettement. Ils reportent des ajustements qui, demain, risquent d'être plus douloureux encore. Entendre le ministre des Finances portugais affirmer qu'il ne voit pas de raison de faire appel au fonds de soutien européen ou au FMI le jour où son pays s'endette à des taux stratosphériques défie la raison. L'ajustement n'en sera que plus sévère pour les ménages portugais lorsque, comme aux Grecs et aux Irlandais, l'Etat leur présentera la facture. Mais courage et lucidité politiques ne sont pas les qualités les plus répandues au sein de la zone euro.
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