Après la chute du gouvernement Hariri, les Israéliens peuvent-ils accepter de laisser les mains libres au Hezbollah ?
La chute du gouvernement libanais conduit par Saad Hariri n'est pas seulement une péripétie de la vie politique du pays du cèdre. Ce peut être le signe avant-coureur d'une nouvelle déflagration comparable à la guerre qui, entre 1975 et 1990, avait ensanglanté le Liban (probablement 200.000 morts) et quasiment détruit son économie. Avec une "réplique", comme on dit pour les tremblements de terre, entre 2006 et 2008. Seulement, cette fois, le risque est plus grand que d'autres acteurs déjà impliqués à l'époque - Israël, l'Iran et la Syrie - le soient encore plus directement. Un risque majeur de crise pour toute la région, qui aura obligatoirement des retombées pour l'Occident, les États-Unis et la France, en première ligne.La crise libanaise de ce début 2011 a été provoquée par la démission du gouvernement d'union nationale, de onze ministres appartenant au Hezbollah, le parti chiite ouvertement soutenu, financé et armé par l'Iran et accessoirement par la Syrie. Leur motivation n'a rien à voir avec un quelconque désaccord sur la politique menée par Hariri. Ils lui reprochent de refuser de désavouer par avance les conclusions du Tribunal spécial pour le Liban (TSL), qui, sous l'égide de l'ONU, enquête sur les circonstances de l'assassinat de Rafik Hariri, le père de l'actuel Premier ministre, tué le 14 février 2005 par l'explosion d'une bombe surpuissante sur le trajet de sa voiture, pourtant blindée. Le rapport du Tribunal spécial doit être connu avant la fin janvier, mais tout le monde sait déjà qu'il va désigner comme principaux coupables les dirigeants du Hezbollah. Ceux-ci ont donc décidé de prendre les devants en accusant les juges de l'ONU d'avoir mené leur enquête à partir de faux témoignages et sur des rapports d'écoutes téléphoniques trafiqués par les Israéliens. Ils ont donc donné le coup de grâce au fils avant d'être reconnus coupables du meurtre du père.
L'effet papillon
Le problème est que la chute d'un gouvernement à Beyrouth n'est jamais anodine. en raison de la propension spontanée des Libanais à régler leurs conflits par les armes. Or, des armes, il n'y en a jamais eu autant au Liban. Cela fait des mois, en effet, que les Occidentaux s'alarment de voir le Hezbollah renforcer régulièrement son arsenal en provenance d'Iran et souvent en transit par la Syrie. Si le parti chiite est tenté de s'en servir pour confisquer le pouvoir à son profit, il créera une situation inacceptable pour Israël : celle d'avoir, à sa frontière nord, un pays non seulement allié mais télécommandé par l'Iran, dont le président ne cesse de réclamer la destruction de l'État juif. D'autant que la menace de vie ou de mort n'aura sans doute jamais été aussi présente pour Jérusalem. Les experts militaires - et pas seulement les Israéliens - estiment au chiffre effarant de 50.000 le nombre de missiles empilés par le Hezbollah dans ses repaires. Avec une sophistication, des portées et des charges explosives sans commune mesure avec celle des engins utilisés pendant la dernière crise de 2008. Autant dire que ce serait la vie de civils israéliens de Jérusalem à Haïfa et jusqu'à Eilat, et pas seulement dans les villages frontaliers, qui serait, cette fois, menacée. Si pour une raison ou une autre, Israël perd la retenue qu'il a manifestée depuis que la crise libanaise est intervenue, la tentation est grande de frappes préventives, contre le Hezbollah au Liban d'abord, puis contre les installations nucléaires de l'Iran ensuite.
On voit comment ce qui commence par une simple crise gouvernementale au Liban peut devenir un vrai séisme géopolitique impliquant des pays concernés par tout ce qui bouge au Proche Orient, comme les États-Unis et la France. Ce n'est pas tout à fait par hasard si les onze ministres du Hezbollah ont annoncé leur démission juste au moment où le Premier ministre libanais Saad Hariri allait être reçu par Barack Obama à la Maison-Blanche avant de rencontrer, jeudi, Nicolas Sarkozy.
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