TOUT EST DIT

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mardi 15 février 2011

Justice : un nécessaire armistice

Ne jamais parler trop vite. Tourner sa langue sept fois dans sa bouche. La précipitation est toujours mauvaise conseillère... Ces bons vieux adages, le président de la République devrait les faire siens. Dans l'affaire du crime atroce de la jeune Laëtitia Perrais, à Pornic, Nicolas Sarkozy a sans doute laissé parler son coeur après avoir reçu la famille d'accueil de la jeune femme, mais il a trop vite évoqué des sanctions à l'encontre des magistrats fautifs, comme s'ils avaient facilité un tant soit peu, par permissivité, cet acte odieux.

Les rapports d'inspection, dévoilés, hier, par le gouvernement, sont pour le moins nuancés. Ils confirment des dysfonctionnements, un tri des dossiers malencontreux, un manque de coordination et de dialogue entre les services de l'administration pénitentiaire, mais ils pointent tout autant les faiblesses d'un système judiciaire qui court après des moyens et des effectifs suffisants.

Ici, des conseillers manquent ; là, des juges d'application des peines, des greffiers, des fonctionnaires font défaut. Le budget de la Justice augmente, chaque année, depuis plus de douze ans, mais la paupérisation de certains services est telle que les tribunaux ont le sentiment d'appartenir à la tribu des Shadoks. Ils pompent, ils pompent, mais le niveau de l'eau, du fait d'un recours de plus en plus fréquent des citoyens aux tribunaux, monte toujours... La justice est un service public au bord de la noyade. D'où cette fronde inédite, qui a surpris tout le monde, les magistrats les premiers, car ils n'ont pas la réputation d'être des révoltés battant le pavé à la première occasion.

À l'image de toutes les professions exposées, ils redoutent les sanctions publiques. Les médecins aussi. Les notaires, les avocats... Fermons la liste. Longtemps, on a cru leur impunité parfaite. Ils réglaient entre eux, au sein du Conseil supérieur de la magistrature, les fautes et les incompétences des confrères, dans la plus parfaite discrétion. Ce temps-là est révolu, et tout citoyen peut désormais saisir la juridiction disciplinaire.

Les magistrats échapperont donc de moins en moins à la règle commune. Il est malséant, aujourd'hui, de leur reprocher leurs silences de jadis. Si l'un d'eux avait commis une faute manifeste dans le traitement du dossier de Tony Meilhon, nous le dirions. Mais ce qui transparaît, c'est tout autre chose et cela n'a rien de rassurant. La France construit des prisons, mais néglige la réinsertion des détenus, leur suivi, leur traitement psychiatrique quand il est nécessaire.

Non seulement les juges ne sont pas laxistes, mais toutes les études sérieuses révèlent une sévérité accrue et continue des peines. On est loin d'emprisonner autant qu'aux États-Unis, mais la France, selon les prévisions des services pénitentiaires, placera, d'ici à 2017, environ 80 000 personnes sous écrou. Les maisons d'arrêt resteront surpeuplées, les conditions de vie indignes d'un pays moderne.

Cette politique sécuritaire est censée rassurer l'opinion. Mais la violence ne décroît pas, bien au contraire. Il y a nécessité absolue de remettre à plat les priorités judiciaires. Construisons moins de prisons, mais faisons en sorte qu'elles ne soient plus des écoles de la récidive et du crime. Alors, loin de se rejeter les responsabilités, d'accuser l'autre de tous les maux, le gouvernement et les magistrats pourront signer un armistice intelligent et nécessaire.

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