J'étais dans le métro, en chemin pour Sciences Po. Comme pour l'assassinat d'un autre John -Kennedy- ils sont nombreux ceux qui se souviennent de ce qu'ils faisaient et de l'endroit où ils étaient quand ils apprirent, le 8 décembre 1980, la mort de John Lennon. C'était il y a 30 ans et c'était hier. Un temps fugitif comme ces notes dans le vent qui poussait les quatre garçons de Liverpool.
L'insolent qui se disait « plus célèbre que Jésus-Christ » aura réussi à être immortel même si, lui aussi, l'a payé de sa vie. Il appartient pour toujours à cet imaginaire derrière lequel il courait éperdument au point de lui donner une mélodie universelle, apparemment si facile à jouer et pourtant inaccessible. Le souffle insaisissable du génie.
« Vous pouvez bien dire que je suis un rêveur... mais je ne suis pas le seul », chantait-il en 1971, tentant désespérément de retenir l'illusion, celle des années 60, qu'il voyait prendre la fuite. Il s'était toujours vu en révolutionnaire utopique, John, lui qui voulait donner sa chance à la paix et affichait « war is over » -la guerre est finie- en lettres géantes dans les rues de New York, ajoutant en plus petit : « if you want it » -si vous le voulez.
C'était la profession de foi perpétuellement naïve d'un idéaliste généreux qui se donnait simultanément beaucoup de mal pour ne pas avoir l'air gentil. Question de style. Il fallait rester rock'n roll. Un vrai faux dur dont Keith Richards, le guitariste des Rolling Stones, raconte drôlement, aujourd'hui, les mésaventures avec la drogue. Avis de professionnel sur un amateur un peu trop tendre.
Au fond, Lennon était un romantique. Yoko Ono, la femme de sa vie, a révélé il y a quelques jours qu'il envisageait de remonter sur scène pour lui entonner à genoux « I want to hold your hand » comme un lycéen sentimental. Quant à son copain Paul (McCartney), il a confié, il y a peu, que « le moins prolo des Beatles » avait lu tout Churchill, et ne le reniait pas.
C'est ce héros baroque qui a traversé les décennies sans prendre une ride. Parce qu'il a épousé, par avance, tous les élans contradictoires de son époque et des suivantes.
Indocile, l'icône n'appartiendra jamais à personne. Seulement à l'histoire.
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