TOUT EST DIT

TOUT EST DIT
ǝʇêʇ ɐן ɹns ǝɥɔɹɐɯ ǝɔuɐɹɟ ɐן ʇuǝɯɯoɔ ùO

mercredi 8 décembre 2010

Le grand écart entre élèves

Longtemps, l'Éducation nationale a jugé anecdotiques les comparaisons internationales entre systèmes scolaires. Si la France était mal classée, c'est que ces évaluations mondialisées n'étaient pas assez subtiles pour saisir les plus-values de l'école républicaine. Cette défense, un peu courte, a fini par céder car ces enquêtes, aussi partielles soient-elles, sont têtues. Elles ressassent le même constat : la France produit une étroite élite scolaire ¯10 % d'excellents élèves ¯ et abandonne, dans le fossé de l'échec, près de 20 % des autres.

La dernière étude du genre, l'enquête Pisa ¯ Programme international pour le suivi des acquis des élèves ¯ publiée hier, compare 65 systèmes éducatifs. Elle confirme le rang moyen occupé par la France. Vingt et unième place en lecture, vingt-deuxième en mathématiques, vingt-septième en sciences, loin du peloton de tête formé par Shanghai, la Corée du Sud et la Finlande, érigée, depuis dix ans, en modèle européen de réussite scolaire.

Être ou ne pas être sur le podium, être bien ou mal classé, ne mérite sans doute ni excès d'honneur ni excès d'indignité. En revanche, ce que tout cela révèle sur les sociétés et leurs écoles est fichtrement intéressant. Concernant la France, royaume autoproclamé de l'égalité des chances, Pisa montre que, depuis dix ans et sa première enquête, le grand écart entre les mauvais élèves et les meilleurs n'a cessé de se creuser. La France scolaire est plus inégalitaire que jamais.

À 15 ans révolus, à la fin de la scolarité obligatoire, des élèves caracolent au lycée tandis que les retardataires ¯ l'Éducation nationale a pratiqué le redoublement à grande échelle ¯ se traînent au collège et plombent les résultats aux tests. Le système élitiste à la française est encore si vivace que l'écart ainsi creusé ne peut plus être comblé.

Les fatalistes répliqueront que l'école n'est, en fait, que le reflet de la société qui l'entoure et les inégalités scolaires le copier-coller des inégalités sociales. Si l'on compare la France et la Finlande, soixante millions d'habitants d'un côté, cinq de l'autre, une société diverse, ouverte ¯ tout est relatif ¯ aux immigrés et à leurs familles, avec, nécessairement, des problèmes d'intégration, et, de l'autre, une petite société très homogène, très fermée, les résultats de Pisa semblent logiques. Le social déteint sur le scolaire et inversement.

Fatalité ? La mission de l'éducation est de vaincre l'injustice sociale, pas de reproduire les inégalités, surtout pas de les creuser. Certains pays ont réformé leur système éducatif et bondi dans les classements internationaux : la Corée, l'Allemagne, la Pologne, la Hongrie. Luc Chatel, hier, s'est défendu de tout immobilisme. Il a évoqué le retour aux matières fondamentales, le soutien personnalisé aux élèves, la réforme du lycée, l'autonomie des établissements, un plan en faveur des sciences. Et ignoré les réductions de postes.

Le gouvernement a fait le choix d'une certaine mise en concurrence des collèges, des lycées. Mais il risque d'accentuer les souffrances des établissements situés en zones d'éducation prioritaire. Là où se nichent les inégalités. Cette politique d'inspiration néolibérale a-t-elle une chance de réussir ? En tout cas, le grand écart scolaire persiste et il mine le moral du pays et sa cohésion sociale.

0 commentaires: