Ouf ! Ils sont partis. Et arrivés à destination depuis longtemps...
Annoncés comme calamiteux, les départs des vacances de la Toussaint se sont donc finalement déroulés sans aucun problème. Pas de bouchon dans les stations, pas de bidon en rangs d'oignons, pas d'émeute autour des pompes, ni des meutes d'automobilistes en révolte. Pas de panne sèche sous le ciel humide et pas de doute sur l'autoroute. Les scènes de la fiction catastrophe d'un pays à l'arrêt n'ont pas eu lieu. Tant mieux.
« La situation s'améliore lentement », nous répète-t-on en boucle, comme une formule fétiche, et l'incantation devient effectivement réalité. Ce matin, avec le recul, tout le psychodrame de ces derniers jours semble un peu ridicule. Et l'appel de Jean-Louis Borloo au 20 heures pour que les ouvriers des raffineries reprennent le travail, comme si le destin de la patrie en dépendait, a sonné comme une réplique inutilement surjouée.
Tant d'énergie brûlée gratuitement quand le pétrole se raréfie, c'est du luxe. Notre inquiétude nationale, complaisamment amplifiée par des médias volontiers anxiogènes, révèle en creux notre dépendance au gasoil et à l'essence. Il a suffi que la distribution soit désorganisée depuis une toute petite semaine, pour que nos vies en soient changées, ou aient le sentiment de l'être.
Cette pénurie, qui n'a été que partielle, pourtant, a écrasé tout le reste de l'actualité. Tous les Français se sont préoccupés d'un « retour à la normale » conditionnant une liberté essentielle : le déplacement individuel. A aucun moment, le ministre des transports, qui est aussi celui de l'écologie, n'a évoqué l'opportunité que représente ce bouleversement momentané. Un regard décalé invendable à l'opinion !, me direz-vous. Inconcevable, en tout cas, pour un communicant normal.
C'est pourtant une expérience formatrice que subissent les Français. A-t-on seulement tenté de leur faire prendre conscience qu'ils étaient en train de vivre la répétition générale de l'épuisement du pétrole ? C'était une occasion unique de positiver les désagréments parfois usants du chômage technique de la voiture. Dans moins de cinquante ans, selon toutes les prévisions, les réserves (accessibles) d'or noir seront sans doute définitivement taries. Il faudra bien faire sans. Autant commencer maintenant à nous familiariser avec les nouveaux réflexes d'un temps nouveau.
Le pistolet vide de sans plomb ne sera dangereux que si le monde joue jusqu'au bout son avenir à la roulette russe. Dans cette perpétuelle fuite en avant, il est temps de ralentir beaucoup plus fortement que nous ne l'avons fait jusque-là. Les épisodes de ces derniers jours montrent que nous préférons encore continuer à galoper sur des chevaux fous dopés par des injections de carburant. Jusqu'où ?
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