Pourquoi l'Egypte fascine-t-elle encore aujourd'hui ?
dimanche 24 octobre 2010
Christian Jacq: «Je regrette le prix Goncourt»
Le plus célèbre des égyptologues, et l'un des auteurs français les plus lus, revient en librairie avec une trilogie intitulée « Et l'Egypte s'éveilla ». La naissance de l'Egypte, comme vous en avez rêvé
Pourquoi l'Egypte fascine-t-elle encore aujourd'hui ?
Pourquoi l'Egypte fascine-t-elle encore aujourd'hui ?
C'est une large question qui méritera un livre ! Je travaille à la réponse depuis des années. L'Egypte fascine toutes les générations, tous les pays, quel que soit le niveau de culture ou les croyances. C'est sans doute parce que cette civilisation avait trouvé une clé d'ordre universel qu'il faut définir, avec les valeurs qu'elle véhicule. J'écrirai un jour un essai sur cette fascination car les Egyptiens ont pensé leur éternité. Ils savaient qu'ils allaient disparaître et ils ont formulé leur civilisation pour la porter au-delà de leur propre existence.
Depuis le temps que l'on étudie l'Égypte, reste-t-il des choses à découvrir ? En fait, l'égyptologie est une science jeune. Après la conquête arabe du VIIe siècle, le pays s'est fermé aux visiteurs et il n'y a plus eu de fouilles. Il s'est rouvert peu à peu à partir du XVIe siècle. Il reste donc beaucoup à découvrir. Il y a d'abord les objets que l'on a trouvés et ceux que l'on a perdus car ils n'ont pas été inventoriés et étudiés par les musées. Il y a même des pyramides que l'on a découvertes et qui ont été recouvertes par les vents de sable. Ceux qui connaissent l'Egypte savent qu'en deux ans, un paysage peut changer complètement. Une des plus grandes pyramides du Moyen Empire a été découverte dans les années vingt, donc avant le GPS, puis recouverte. Il ne reste d'elle qu'une petite photo en noir et blanc. A Saqqarah, des hectares entiers regorgent de trésors que l'on trouverait si on fouillait. Mais, actuellement, la doctrine du service des antiquités est de préserver ce qui a été découvert. En cas de découverte, on note, on recouvre et on s'en occupe plus tard.
Votre dernier roman traite de la naissance de l'Egypte. Avec le temps, votre méthode de travail a-t-elle changé ? Je ne peux écrire sur ce que l'on ne connaît pas. Nous n'avions jusqu'à peu, pas de documents sur la naissance de l'Egypte et je ne voulais pas écrire n'importe quoi. Les récentes découvertes en Moyenne Egypte le permettent : les hiéroglyphes datent d'avant la première dynastie et donnent une liste des clans.
Je travaille en partant d'une énorme masse de documents rangés dans des boîtes à chaussures. Ensuite, j'établis un casting avec une fiche détaillée par personnage et je déroule le scénario. Je connais toujours la dernière phrase avant d'écrire la première. Ecrire un livre est aussi épuisant pour moi que courir le 10 000 mètres olympique. Et j'écris encore à la main !
Comment vous définissez-vous ? Scientifique, écrivain, vulgarisateur ? Je suis un scientifique et je continue à publier des articles dans les revues spécialisées. Je suis aussi écrivain. Je suis également un vulgarisateur, bien que je n'aime pas le terme. Mes collègues allemands sont dans l'obligation, en parallèle à leurs travaux de recherche, d'écrire des livres pour le grand public. Umberto Eco en Italie peut être à la fois romancier et universitaire et cela ne pose de problème à personne contrairement à la France.
En France, on oppose aussi littérature populaire et dite savante. Qu'en pensez-vous ? (Rires) Je regrette de ne pas avoir le Prix Goncourt ! Je ne le regrette pas pour moi mais pour mes lecteurs. Je ne vois pas pourquoi cela poserait un problème à part que je n'ai pas la bonne étiquette…Ecrire difficile, c'est facile. Quand on écrit pour une revue d'égyptologie, on écrit pour des spécialistes et on ne fait aucun effort de lisibilité. Ce n'est pas si facile de faire un best-seller. J'y mets ma chair, mon sang. Les lecteurs le sentent sans doute car j'ai eu beaucoup d'imitateurs depuis vingt ans et ils n'ont pas obtenu le même succès. Ce n'est pas au lecteur de faire l'effort mais à l'auteur. Lire doit être un bonheur. Le livre est un compagnon. J'ai peu le temps de lire autre chose que des ouvrages scientifiques. Mon modèle est Gérard de Nerval. Son « Voyage en Orient » me fascine et je le relis fréquemment. J'aime aussi Chateaubriand.
Ecrire douze heures par jour sur une autre époque vous coupe de la réalité ? Non, je m'intéresse beaucoup à mon époque. Je regarde les infos, je lis les journaux. Je suis solitaire. Mais, quand je crée des personnages et que je les fais vivre, je suis dans le monde. J'écris sur une civilisation qui a disparu et qui est très ancienne mais qui est pour moi un modèle de valeurs. J'estime que j'écris des romans contemporains et non pas historiques car on a beaucoup à apprendre de l'Egypte ancienne. Notre grand gain par rapport à elle est technologique. Nous avons, en revanche, perdu au niveau spiritualité et rapports humains. Nous sommes dans des schémas de fanatisme grave, d'intolérance. Le dialogue est difficile. L'Egypte ancienne est un modèle de vie. Quand ils parlent d'équilibre et de rectitude, ce n'est pas en vain. Chez les Anciens Egyptiens, celui qui ment ne renaît pas.
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