TOUT EST DIT

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lundi 31 mai 2010

« Il faudrait laisser la Grèce et le Portugal prendre un congé sabbatique de l'euro »

Ancien chef économiste du FMI de 2001 à 2003 et coauteur d'une Histoire des crises financières, l'économiste Kenneth Rogoff livre son diagnostic sur l'impact de la crise de la dette européenne au lendemain du déclassement de l'Espagne par Fitch.
La crise de la dette européenne représente-t-elle un risque important pour la reprise économique américaine ?

C'est classique qu'une crise de la dette survienne après une crise bancaire. Mais les secousses secondaires sont généralement moins sévères que le choc initial. La reprise américaine sera plus lente et plus longue qu'après une récession typique. La crise européenne va probablement ralentir le rythme de la reprise globale mais nous sommes très loin d'une menace de rechute mondiale. Elle peut ralentir la croissance de 0,5 % aux Etats-Unis. Mais, si les Européens s'y attaquent, on peut tabler sur une croissance modeste de 2 % en Europe, contre un rebond de 3,5 % à 4 % aux Etats-Unis en 2011.
Comment appréciez-vous le risque de désintégration de la zone euro évoqué par l'ancien président de la Fed, Paul Volcker ?

Ce scénario n'est pas plausible. L'Allemagne et la France ne le laisseront jamais faire. Cela ne veut pas dire que tous les membres actuels doivent y rester et que l'adhésion de l'Estonie à la zone euro en 2011 soit souhaitable. En dehors de la France et de l'Allemagne, aucun autre pays n'est indispensable à la survie de l'euro. A tout le moins, la Grèce et le Portugal vont devoir restructurer leurs dettes. La meilleure solution serait de laisser ces deux pays prendre un congé sabbatique de l'euro pendant dix ans. Je ne crois pas à un éclatement de la zone euro, mais il n'est pas très réaliste de vouloir atteindre une discipline fiscale sans laisser certains pays quitter temporairement l'euro. Il se peut donc qu'un ou deux pays sortent du système. La Grèce ferait d'ailleurs mieux de sortir de l'euro pour restructurer sa dette et améliorer sa compétitivité.
La dévaluation de l'euro face au dollar est-elle une condition indispensable à sa survie ?

Pour le moment, c'est une bouée de sauvetage très utile. Je pense que la baisse de l'euro va se poursuivre. Il pourrait tomber à 1,10 dollar -voire moins -compte tenu de son niveau de surévaluation de départ. Il pourrait même atteindre la parité avec le dollar. Ce serait alors plutôt confortable pour l'Europe si elle réussit à stabiliser sa dette, mais très difficile pour les Etats-Unis.
Le plan de stabilisation de l'euro annoncé le 10 mai a-t-il été une réussite et peut-il suffire à enrayer les risques de contagion ?

Oui et non. Le déclassement de l'Espagne par Fitch va renforcer l'impression que le « bazooka » européen n'est pas suffisant. Le plan a réussi à maintenir une certaine stabilité. Mais les risques de contagion sont encore réels et très importants. Ce plan n'a pas réussi à masquer l'absence de consensus au sein de la zone euro sur le niveau de rigueur qui doit être imposé aux membres les plus faibles. Les Français semblent pencher pour une interprétation plus souple de la gestion des politiques budgétaires que les Allemands. Les marchés ont noté cette absence de consensus et en ont tiré les leçons.
Le Fonds monétaire international (FMI) va-t-il devoir aider d'autres pays européens ?

C'est très probable. L'Europe aurait dû se tourner vers le FMI beaucoup plus tôt. Son directeur général a fait un excellent travail. Mais le Fonds devra forcer les pays à rembourser les aides dans deux ou trois ans. Et cela risque d'être très difficile. Le G20 de Londres a tenté de différer les échéances de cinq ans. Mais le FMI ne pourra pas continuer à financer éternellement les déficits de tous les pays en difficulté.

PROPOS RECUEILLIS PAR PIERRE DE GASQUET, Les Echos

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