Tous les pays, qu'ils soient riches ou pauvres, devraient assurer une couverture universelle des soins de santé primaire, notamment en matière de maternité, de nutrition, de vaccination, de lutte contre le paludisme et d'accès à des dispensaires. Chaque année, neuf millions d'enfants meurent de maladies qui pourraient être évitées ou traitées, et 400.000 femmes meurent de complications durant leur grossesse. Presque tous ces décès ont lieu dans des pays pauvres et instables. Y mettre fin diminuerait la souffrance humaine et donnerait un coup de fouet à leur économie.
L'insuffisance de leurs moyens les empêche de créer un système de santé primaire, même si le coût par habitant en est très faible. Grâce aux vaccinations, aux techniques de diagnostic et aux médicaments modernes, aux téléphones mobiles et à d'autres technologies, les soins de santé primaires sont très efficaces et peu coûteux : 54 dollars par personne et par an dans les pays pauvres.
En raison de leurs très faibles revenus, ces pays ne peuvent y consacrer que 14 dollars par personne et par an. Ils ont besoin d'une aide extérieure pour les 40 dollars qui font défaut, un total de 40 milliards de dollars par an -étant donné qu'un milliard de personnes défavorisées n'ont pas accès aux soins. Les pays étrangers, notamment les Etats-Unis, l'Union européenne et le Japon, apportent plus du tiers de cette somme, environ 14 milliards de dollars par an.
Il manque donc 26 milliards de dollars par an. Un manque sévère pour des initiatives comme celle du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Pour les pays riches, le geste nécessaire serait facile à faire.
Ainsi, les Etats-Unis pourraient mettre fin à leur guerre coûteuse et à leur enlisement en Afghanistan qui leur revient à quelque 100 milliards de dollars par an. S'ils consacraient chaque année 25 milliards de dollars au développement et 25 milliards à la santé, il leur resterait encore 50 milliards de dollars pour réduire leur déficit budgétaire.
La deuxième solution consiste à taxer les grandes banques internationales qui réalisent des bénéfices excessifs par la spéculation. Bien que le secteur financier américain ait failli entraîner l'économie mondiale à sa perte, le gouvernement américain l'a protégé au point qu'il réalise à nouveau d'énormes profits - 50 milliards de dollars l'année dernière.
Les banquiers ont recommencé à s'attribuer des bonus colossaux, plus de 20 milliards de dollars l'année dernière. Cet argent aurait dû aller aux populations déshéritées de la planète plutôt qu'aux banquiers qui n'ont rien fait pour le gagner. Il est temps de créer une taxe mondiale sur les profits des banques, par exemple en taxant les transactions financières internationales, ce qui permettrait de réunir chaque année des milliards de dollars.
Troisième solution : une plus grande contribution des personnes les plus fortunées de la planète. Plusieurs d'entre elles (Bill Gates, George Soros, Warren Buffett et Jeffrey Skoll, par exemple) sont déjà des méga-philanthropes qui consacrent des sommes énormes à aider les plus démunis. Mais d'autres milliardaires ne font rien de semblable.
Selon le dernier classement de « Forbes », les 1.011 milliardaires qui existent dans le monde détiennent tous ensemble une fortune nette de 3.500 milliards de dollars. Si chacun d'entre eux participait à l'effort nécessaire à hauteur annuelle de 0,7% de sa fortune, cela rapporterait 25 milliards de dollars chaque année. Imaginez ce qui se passerait : grâce à seulement 1.000 personnes, un milliard d'habitants des pays pauvres pourraient se soigner.
La quatrième solution consiste à regarder du côté des compagnies comme Exxon-Mobil, qui gagne des milliards de dollars en Afrique, mais n'a participé qu'à hauteur de 5 millions de dollars chaque année au programme de lutte contre le paludisme entre 2000 et 2007. Exxon-Mobil peut et doit financer bien davantage le système de soins de santé primaires que ce soit sous forme de royalties ou de dons.
Cinquième solution : les nouveaux pays donateurs tels que le Brésil, l'Inde et la Corée du Sud -qui ont la vision, l'énergie, le dynamisme économique et la motivation politique nécessaire -augmentent leur aide en faveur des pays les plus pauvres et des régions les plus défavorisées de leur propre pays. Si les Etats-Unis et l'Europe négligent de faire leur devoir, les économies émergentes vont commencer à les remplacer. Les nouveaux pays donateurs comme la Chine peuvent remplir la place désertée par les pays donateurs habituels.
Les pays riches prétendent qu'ils n'ont pas les moyens de faire davantage, alors que c'est l'imagination qui leur manque, pas les ressources. L'argent est là, les besoins sont urgents. Le défi est affaire de morale et de vision.
JEFFREY D. SACHS EST PROFESSEUR D'ÉCONOMIE ET DIRECTEUR DE L'INSTITUT DE LA TERRE À L'UNIVERSITÉ DE COLUMBIA (NEW YORK).
lundi 31 mai 2010
Il est temps de créer une taxe mondiale sur les banques pour le développement
Cet article est publié en collaboration avec Project Syndicate, 2010.
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