TOUT EST DIT

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mercredi 4 novembre 2009

Quand les internautes jouent aux cartographes

Qui n'a jamais griffonné quelques informations pratiques sur un plan de ville ? Une croix pour désigner l'emplacement exact de son domicile, une flèche pour les sens uniques récemment créés, ou encore le tracé des nouvelles voies de dégagement. Et si tous ces précieux détails, ajoutés par chacun, étaient regroupés sur un même plan qui serait distribué gratuitement...
Cela existe déjà en ligne, par exemple avec Google Maps que les internautes peuvent compléter à leur guise, à condition toutefois de ne pas en faire un usage commercial. De même, le fabricant de GPS TomTom "demande à ses utilisateurs de mettre à jour la base de données", observe Thierry Joliveau, géographe à l'université de Saint-Etienne (Loire).

La technique de l'actualisation est utilisée dans les pays où les plans demeurent imprécis et les adresses imparfaites. Ainsi, à Beyrouth, au Liban, l'éditeur de plans Zawarib suggère aux habitants de signaler les évolutions de la voirie ou l'apparition de nouveaux repères visuels, tels que les magasins.

Le principal projet cartographique s'appuyant sur la contribution des utilisateurs demeure toutefois Openstreetmap. Née en 2006 au Royaume-Uni, cette base de données géographiques fonctionne comme un "Wikipédia de la carte", chacun étant amené à modifier, préciser, voire invalider un fond de carte disponible en ligne.

Le document, plus ou moins détaillé selon les villes et les pays en fonction de l'assiduité des internautes locaux, ne constitue pas la plus jolie carte, mais il présente l'avantage d'être, à l'instar des logiciels libres, utilisable sans restriction.

Nicolas Dumoulin, 30 ans, informaticien à Aubière (Puy-de-Dôme), dans la banlieue de Clermont-Ferrand, complète régulièrement la base de la version française en y ajoutant l'emplacement des containers de recyclage du verre, des pharmacies ou des boîtes aux lettres de sa commune. "Les plans imprimés distribués par les mairies sont rarement complets et s'arrêtent aux limites des communes", constate-t-il.

Si certains "mappeurs" - comme ils se sont nommés - utilisent leur GPS pour positionner une route ou un chemin, d'autres, au retour d'une promenade, signalent les toilettes publiques, les cafés reliés à un point d'accès Wi-Fi ou encore les noms attribués aux bâtiments au sein d'une résidence ou d'une université, des données essentielles au piéton mais qui ne figurent sur aucun plan.

Tout le monde peut prendre part au projet, à condition de maîtriser l'outil informatique et d'accepter les discussions interminables, en ligne, pour savoir s'il faut ou non inventer un nouveau symbole matérialisant les routes en mauvais état, par exemple.

En pratique, la plupart des contributeurs sont des hommes, étudiants ou trentenaires, informaticiens et militants pour des logiciels libres. "Il y a aussi beaucoup de sportifs, des adeptes de la randonnée", observe M. Dumoulin. Tous se retrouvent à l'occasion de "mapping parties", littéralement des "campagnes de cartographie" qui durent une journée et consistent, parfois avec l'encouragement d'une collectivité locale, à couvrir au mieux un territoire.

Parallèlement, les services de certains Etats mettent des données à la disposition d'Openstreetmap. On y trouve ainsi les relevés géographiques américains ou le cadastre français, mais pas la base de l'Institut géographique national (IGN) qui conserve jalousement ses données.

Les contributeurs s'interdisent pour leur part de recopier des éléments, même les plus basiques, trouvés sur les cartes commerciales. "Il faut se fonder sur les observations du terrain", plaide Guillaume Allègre, 35 ans, mappeur à Grenoble (Isère) depuis quelques mois. "Parfois, les cartes existantes induisent en erreur", observe-t-il. Initialement conçu pour aider les automobilistes à trouver leur chemin, Openstreetmap pourrait être utile aux cyclistes, comme l'explique Pascal Rigaux, la vingtaine, militant parisien de l'association Mieux se déplacer à bicyclette. "Un plan détaillé, comportant les pistes cyclables, les rues impraticables ou les places dangereuses, comme la Concorde, permet de produire un itinéraire fiable. L'outil a un grand potentiel", assure-t-il.

"A terme, grâce à la combinaison de la géolocalisation et des contributions humaines, précise Thierry Joliveau, on pourra se localiser à partir de l'écran de son téléphone portable et se passer de la carte. Cet objet abstrait et complexe redeviendra un outil pour maniaques", ajoute le géographe.
Olivier Razemon

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