TOUT EST DIT

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mardi 20 octobre 2009

Louis XIV, Roi-Soleil et mécène flamboyant

Pour la première fois à Versailles, une grande exposition est consacrée à Louis XIV. Plus de 300 œuvres sont réunies pour célébrer le goût et l’apport culturel capital du Roi-Soleil

LOUIS XIV, L’HOMME ET LE ROI
Château de Versailles (Yvelines)

« Cette grande maison n’avait jamais consacré d’exposition à Louis XIV. Dès ma nomination à la tête du château de Versailles, j’ai ardemment voulu réparer cet oubli. Mais que faire ? Une exposition autour du siècle de Louis XIV ? Ou bien le Versailles de Louis XIV ? À cela, j’ai préféré un portrait culturel du roi », affirme Jean-Jacques Aillagon.

S’écartant, non sans malice, de la tradition post-révolutionnaire pour qui ce roi fut d’abord un despote et un mégalomane, cette manifestation dessine les contours d’un roi exceptionnel, grand serviteur et ami de la culture, des arts et des lettres. « Pour l’historiographie républicaine, Louis XIV est d’abord celui qui a ruiné et saigné le royaume, celui qui a révoqué l’édit de Nantes. C’est un peu court », ajoute l’ancien ministre de la culture.

Un art au service de la « monumentalité du moi royal »
« Notre ambition, renchérissent Nicolas Milovanovic et Alexandre Maral, les deux commissaires de l’exposition, a été de restituer le portrait le plus complet possible d’un véritable amateur d’art, dont le goût se portait vers des domaines aussi variés que l’architecture, la musique, les jardins, la peinture, la sculpture… » Un portrait diablement élogieux.

Peut-il en être autrement si l’on examine son règne à la seule aune de son apport culturel ? L’art fut une arme esthétique au service d’une ambition politique : construire l’image d’un monarque flamboyant, garant de l’équilibre du monde, à la fois Apollon, Mars et Jupiter. Au service aussi d’une légitimité : effacer les blessures profondes de la Fronde. Et plus profondément, un art au service de la « monumentalité du moi royal », pour reprendre le mot de Marc Fumaroli.

Pour atteindre ce but, une stratégie est mise en place : attirer les meilleurs artisans du monde comme les maîtres verriers de Murano, s’appuyer sur un réseau de manufactures royales, protéger et pensionner les artistes. Si Colbert fut le grand ordonnateur de cette construction, Louis XIV en reste le principal artisan. Il sut s’entourer des plus grands noms du temps, du Bernin à Lully, de Corneille à Molière, de Le Brun à Le Nôtre.

Eclatant témoignage de son rôle dans la culture du Grand Siècle
Si son chef-d’œuvre reste le château de Versailles, la vie du roi est imprégnée de son amour pour toutes les expressions artistiques du temps. Un roi dont le goût a été formé par son parrain, Mazarin, l’un des plus grands collectionneurs du XVIIe siècle. Un roi dont le père, Louis XIII, fut lui-même peintre, compositeur, musicien et chorégraphe. Un roi qui sut choisir, décider et convaincre. Contre l’avis de Colbert qui voulait faire du Louvre le plus beau palais d’Europe, il choisit Versailles. Son amitié et sa fidélité à Le Brun, Lully ou Hardouin-Mansart sont légendaires.

Si son goût et son rôle dans la culture du Grand Siècle sont connus, cette grande exposition en apporte l’éclatant témoignage. Elle permet de saisir, de ressentir, de vérifier, mieux, de matérialiser cette leçon d’histoire, dès la pièce magistrale qui inaugure l’exposition : Apollon servi par les nymphes, de François Girardon et Thomas Regnaudin.

Destiné à prendre place dans la grotte de Téthys, cet ensemble remarquable est une des premières commandes de Louis XIV. Apollon, au terme de sa course dans le ciel, vient se reposer dans l’univers marin de la déesse Téthys et de ses nymphes. Devant la beauté et la grâce de cette œuvre admirable, La Fontaine comprit combien le roi parlait déjà de lui-même : « Quand le Soleil est las et qu’il a fait sa tâche/Il descend chez Téthys et prend quelque relâche. C’est ainsi que Louis s’en va se délasser d’un soin que tous les jours il faut recommencer. »

Le portrait en cire de Louis XIV, grand choc de l'exposition
Trois cents œuvres sont rassemblées dans les huit salles qui composent ce portait culturel du roi. Celles qu’il commanda pour le représenter, mais aussi celles qui furent pensées pour établir et assurer sa gloire. Ainsi les productions insensées des manufactures royales : teintures et tapis des Gobelins et de la Savonnerie, cabinets monumentaux.

On peut admirer deux pièces maîtresses qui illustrent la richesse et le raffinement de ces productions remarquables. Un cabinet de Domenico Cucci, couvert de panneaux de marqueterie de pierre dure, composé de morceaux de lapis-lazuli, de jaspe, d’agate. Une pièce unique qui avait quitté Versailles en 1751 sans jamais y revenir. Et à ne pas manquer, l’extraordinaire tapis destiné à la grande galerie du Louvre : une œuvre de 891 cm sur 451 cm, dessiné par Charles Le Brun, dont l’éclat et la conservation sont rarissimes.

On découvre aussi quelques œuvres destinées à son « petit appartement », cette pièce à l’usage exclusif du roi. Autre grand choc que réserve l’exposition : le portrait en cire de Louis XIV par Antoine Benoist. Réalisé en 1705, le visage du roi porte les outrages du temps. Loin de la figure idéalisée de l’Apollon, Louis XIV, âgé alors de 65 ans, affronte, sans frémir, la fin de sa vie. Comme il seyait à l’homme et au roi qu’il était, droit dans les yeux.

Laurent LARCHER

Jusqu’au 7 février. Renseignements : Site officiel. Entrée : 15 €. Catalogue de l’exposition, sous la direction de Nicolas Milovanovic et Alexandre Maral, Skira Flammarion, 431 p., 49 €.

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