Renault était entré au capital d'AvtoVAZ fin 2007, avec l'ambition de moderniser la gamme Lada, et de profiter de l'essor sans précédent du marché russe. Le plongeon des ventes et la complexité de la gestion locale ont douché ses espoirs.
Décembre 2007 : Renault gagne à la surprise générale les enchères pour prendre 25 % d'AvtoVAZ, alors que Fiat et GM partaient favoris. Le sauvetage du japonais Nissan, à partir de 1999, la réputation mondiale de manager de Carlos Ghosn et le succès du programme Logan, la robuste berline pour les pays émergents, ont plaidé en faveur de l'offre française. En jeu à l'époque : la modernisation de la gamme Lada, la marque historiquement la plus vendue de Russie mais qui se trouve incapable de résister au choc de la qualité des marques étrangères, sur fond d'explosion du marché automobile russe.
Déception
Renault n'hésite pas à mobiliser alors 1 milliard de dollars dans l'opération, et à dépêcher une équipe de cadres à Togliatti. Un immense complexe industriel édifié au début des années 1970 sur les bords de la Volga avec l'aide de Fiat, sur le modèle de l'usine de Turin-Mirafiori, et dont les machines d'origine sont encore utilisées. En 2007, tous les experts s'accordent pour dire que le marché russe est sur le point de devenir le premier d'Europe, doublant sans vergogne la puissante Allemagne. D'où l'importance d'être présent sur place.
Moins de deux ans plus tard, Renault est contraint de déchanter. La Russie avait beau avoir connu plusieurs crises locales au cours des années précédentes, notamment liées à la chute du rouble, personne n'avait prédit l'effondrement des ventes de voitures cette année, de l'ordre de 55 %. AvtoVAZ n'échappe pas au mouvement, avec une chute de son chiffre d'affaires de 46 % sur les six premiers mois de l'année, et une perte nette annoncée de 800 millions d'euros sur l'ensemble de 2009. Selon le cabinet d'études CSM, les immatriculations totales dans le pays, même à l'horizon 2011, s'annoncent toujours en retrait de 32 % par rapport à l'avant-crise (2007), et le pays aura besoin d'au moins six ans pour revenir aux niveaux de l'époque !
Du côté du groupe français, les comptes sont vite faits : la valeur de la participation d'AvtoVAZ dans les comptes de Renault ne s'élevait déjà plus qu'à 295 millions d'euros à fin mars, relève un analyste, qui table sur une contribution négative de 218 millions pour la seconde moitié de l'année. Selon ses calculs, la valeur du groupe de Togliatti dans le bilan de Renault devrait être ramenée à zéro à partir de la mi-2010. Difficile pour autant de remettre de l'argent dans un puits sans fond, d'autant que Renault a lui-même subi des pertes de 2,7 milliards au premier semestre.
« Je ne vais pas spéculer sur ce qui va se passer, car c'est au-delà de mon pouvoir », constatait hier Carlos Ghosn depuis Tokyo. Une allusion au fait que les projets des Russes sont largement indéchiffrables, même pour un actionnaire à 25 % : AvtoVAZ vient de revoir à la baisse le nombre de suppressions d'emplois à réaliser, alors que sa situation financière empire. Et il ne parle plus de son regroupement, sous un holding public commun, avec le fabricant de camions Kamaz et le producteur de moteurs Avtodizel, pourtant annoncé de fraîche date. Deux exemples parmi d'autres de gestion à la russe.
DENIS FAINSILBER, Les Echos
mardi 20 octobre 2009
Le rêve russe tourne au cauchemar
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