TOUT EST DIT

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dimanche 25 septembre 2011

Que signifie «faire défaut sur sa dette» pour un pays?

Quand la dette d'un Etat devient incontrôlable, il peut choisir de restructurer ou effacer sa dette: c'est ce qu'on appelle le «défaut souverain».
 Depuis le début du mois de septembre, les rumeurs sur une faillite de la Grèce s’accumulent: le président de l’Autorité des marchés financiers (AMF), Jean-Pierre Jouyet, a prédit «une restructuration plus prononcée de la dette grecque», tandis que la chancelière allemande Angela Merkel a jugé que «la priorité absolue était d'éviter un défaut de paiement incontrôlé de la Grèce», après que son ministre de l’Economie Philip Rösler a évoqué une «insolvabilité ordonnée» dans le quotidien Die Welt. Dernier en date, un membre du conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne. Klaas Knot admet que «c'est l'un des scénarios». «J'ai longtemps été convaincu que la faillite n'était pas incontournable. Mais les nouvelles d'Athènes, parfois, ne sont pas encourageantes», confie-t-il au quotidien néerlandais Het Financieele Dagblad, selon Reuters.
Quand il concerne un pays, ce scénario de faillite est qualifié de «défaut souverain».

Quand survient-il?

Quand un Etat fait face à des finances publiques très dégradées, il peut espérer les rétablir en augmentant ses impôts, en coupant dans ses dépenses et en misant sur un rebond de la croissance (qui permet d’augmenter ses rentrées fiscales et de diminuer certaines dépenses, sociales par exemple). Mais ces mesures engendrent souvent une spirale récessionniste, qui pèse encore plus sur la dette.
Face à une dette (principal et intérêts) hors de contrôle, l’Etat peut alors choisir, comme ultime porte de sortie, de ne pas rembourser tout ou partie de ses créanciers: c’est le défaut souverain. Une solution qui n’est pas si rare: les économistes Carmen M. Reinhart et Kenneth S. Rogoff dénombrent dans leur livre Cette fois c'est différent. Huit siècles de folie financière plus de 71 crises de défaut souverain entre 1975 et 2006. Rien qu’en quinze ans, il y en a déjà eu deux majeures: la Russie en 1998 et l’Argentine en 2001. Pour la France, le dernier défaut remonte à 1812, époque où les conquêtes napoléoniennes avaient rendu le pays exsangue.

En quoi diffère-t-il de celui d’une entreprise ou d’un ménage?

Si, à la différence d’une entreprise, un Etat dispose de moyens politiques qui lui permettent souvent d’éviter un défaut de paiement, sa façon de gérer ce défaut diffère également. Quand une entreprise met la clé sous la porte, elle se place en «liquidation judiciaire»: les créanciers peuvent rembourser tout ou partie de leur dette sur les locaux, les machines, les stocks... Pour une famille c’est un peu la même chose: la maison de campagne, les voitures, les bijoux, tout est revendu pour rembourser les prêteurs.
Or, quand un Etat annonce qu’il ne peut plus payer sa dette… il ne paye tout simplement pas sa dette: les créanciers n’envahissent pas le pays pour récupérer des bouts de territoire ou pour s’octroyer un peu du patrimoine foncier. Si, à la fin du XIXe siècle, aux temps forts de la colonisation, le défaut souverain pouvait parfois être synonyme de mise sous tutelle et de perte de souveraineté comme pour l’Egypte en 1876, ce n’est plus le cas maintenant, les Etats en défaut gardant leur autonomie politique.        

Comment est-il décidé?

Les Etats n’annoncent jamais de manière aussi théâtrale et dogmatique qu’ils ne rembourseront rien. Un Etat, même s’il fait défaut, aura toujours besoin de financements extérieurs dans le futur et ne peut pas s’aliéner pour toujours les investisseurs étrangers. Résultat: créanciers et débiteurs se réunissent et négocient le défaut de manière multilatérale. Souvent, cela se passe avec l’aide des grands organismes internationaux, le FMI ou la Banque mondiale, qui mettent autour de la table le «mauvais élève» et les Etats créanciers.
Il existe d’ailleurs deux groupes informels, le club de Paris, créé en 1956, et le club de Londres, créé en 1976, qui se réunissent à chaque fois qu’une crise de défaut survient, et qui encadrent et facilitent les négociations avec les créanciers. Le premier est composé de créanciers publics (avec 19 pays développés qui en sont membres permanents), alors que le second ne réunit que des banques commerciales, leur but étant de trouver des compromis satisfaisants entre les créanciers et le pays en défaut de paiement.

Quels sont les mécanismes de défaut? 

On parle surtout de défauts partiels (il n’y a jamais eu de dette annulée dans son intégralité), aussi appelés défauts explicites selon une étude de la banque d’investissement Natixis (une partie de la dette est alors annulée), ou de rééchelonnements (les échéances de paiement sont repoussées ou le paiement des intérêts suspendu), ces deux mécanismes étant souvent combinés pour parvenir à un versement effectif de 50% à 75% du montant de la dette de départ. Lors de la crise argentine, les créanciers ont ainsi perdu en moyenne 50% de la valeur faciale de leurs engagements.
Selon cette étude, on peut aussi dire qu’un pays fait défaut quand on décide de subventionner sa dette et de le rendre solvable à l’aide de prêts à des taux d’intérêts très faibles.
On comprend donc facilement pourquoi les négociations prennent souvent du temps, les créanciers ayant souvent des intérêts divergents. Les investisseurs publics préfèreront peut-être un rééchelonnement de la dette, qui garantit avec certitude un remboursement plus long et moins important, mais certains, comme les banques ou des fonds d’investissement, opteront pour un recours en justice pour réclamer l’intégralité de leur dû.
Ainsi, en raison de l’hostilité de certaines banques italiennes qui détenaient une importante partie de la dette de l’Argentine, et qui ne voulaient pas d’une restructuration, le règlement de la crise de défaut de 2001, le plus grand défaut souverain de l’histoire ne s’est achevé qu’en juin dernier, alors que les pourparlers avaient commencé en 2005.

Existe-t-il des créanciers prioritaires en cas de défaut? 

Si les discussions prennent du temps, c’est aussi parce que tous les créanciers, publics ou privés, petits ou grands, sont censés être représentés de la même manière et être égaux. Selon ce principe d’égalité, un Etat créancier ne peut pas réclamer en sous-main des garanties spécifiques de remboursement à un Etat débiteur, comme l’a fait la Finlande avec la Grèce en 2009 en négociant secrètement un plan de remboursement bilatéral, ce qui a d’ailleurs choqué l’ensemble de l’Union européenne.
Pas de préférence dans le remboursement, et donc pas d’ordre non plus: en principe, ce ne sont pas les pays puissants qui se font d’abord rembourser, ensuite les pays moins gros, puis les banques de petite envergure et enfin les petits épargnants. Mais, en raison d’intérêts géopolitiques et économiques évidents, ce sont souvent les épargnants du pays qui sont payés en dernier, l’Etat remboursant en priorité les créanciers extérieurs. On distingue ainsi la dette extérieure, souvent libellée dans une monnaie étrangère, et la dette interne émise dans la monnaie du pays et détenue par les résidents. Lors de la crise de défaut de la Russie en 1998, Boris Eltsine a justement décidé d’annuler la dette émise en rouble, c’est-à-dire la dette intérieure, et de ne rembourser que la dette libellée en euro-obligations, soumise à la surveillance des autorités financières internationales.

Le cas du défaut de la Grèce

Selon de nombreux experts, la Grèce a déjà fait partiellement défaut au printemps 2010 quand les pays de la zone euro ainsi que le FMI ont passé un accord prévoyant une aide financière d’un montant de 110 milliards d’euro en contrepartie d’un plan de consolidation budgétaire important. Cette crise grecque connaît actuellement de nouveaux rebondissements et le problème de la dette semble s’aggraver de jour en jour, à  point que des pays comme la Pologne proposent de faire appel à des organismes qui ont plus l’expérience des restructurations de dette comme le Club de Paris.
Cet été, le pays a connu un second défaut de paiement «sélectif» ou partiel, les pays de la zone euro ayant accordé à la Grèce des subventions sous forme de prêts de long terme. L’ensemble des créanciers, et notamment de nombreuses banques européennes comme BNP Paribas (dont l'exposition globale à la dette grecque frôle les 5 milliards d'euros) ou la Société générale (2,7 milliards d'euros), doivent participer à l’effort pour un montant d’au moins 50 milliards d'euros sur la période 2011-2014, afin de réduire et de restructurer la dette grecque.
Ces créanciers ont le choix entre une décote (baisse de valeur) de leurs titres de dette et un rééchelonnement des échéances sur le long terme. C'est pourquoi la crise grecque actuelle pèse sur la situation de nombreuses institutions financières européennes.

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